Texte de l’intervention de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, à la clôture de la 41e session du Centre des hautes études de l’armement (CHEAr) et de la 17e session européenne des responsables d’armement (Sera) le 24 juin 2005.
Une ambition pour l'Europe
Je suis très heureuse d’être aujourd’hui parmi vous pour la première clôture simultanée des deux formations pilotées par le Centre des hautes études de l’armement (CHEAr) : celle de la session nationale et celle de la session européenne des responsables d’armement (Sera).
Ces deux formations sont chaque année davantage ouvertes sur l’extérieur et reconnues pour leur grande qualité.
Les thèmes choisis cette année, « l’autonomie stratégique européenne » pour la session nationale et « l’avenir de l’industrie de défense européenne » pour la session européenne, entretiennent une étroite correspondance.
Dans un contexte international qui voit l’émergence de nouveaux grands pôles de puissance, il est indispensable que nous ayons pour l’Europe une véritable ambition en matière de défense.
La défense est un instrument de protection, de souveraineté et de puissance. Elle est aussi un potentiel de dynamisme économique et industriel. Elle est source de milliers d’emplois ; elle favorise la recherche et l’innovation technologique.
Répondre à ces défis, c’est la garantie de notre indépendance stratégique et l’objectif de ma politique depuis trois ans. Malgré des avancées considérables, il reste des efforts à faire.
Mon ambition c’est de donner à la France et à l’Europe les moyens de faire face à ces grands défis.
Je me suis fixée en ce sens trois objectifs.
Réforme du ministère de la Défense
J’ai d’abord réformé mon ministère pour le mettre au service d’une ambition retrouvée.
La loi de programmation militaire 2003-2008 (LPM) est l’expression d’une volonté de garantir la souveraineté nationale et l’indépendance stratégique.
Elle exige un ministère de la Défense performant.
La réforme de la conduite des programmes d’armement a remobilisé la DGA, en lui donnant plus de visibilité et de nouvelles perspectives. Les relations de la DGA avec les états-majors et le Cema ont été clarifiées. Son rôle en matière de politique industrielle a été réaffirmé. Ses compétences-clés ont été renforcées, notamment au plan technique.
Le renforcement des pouvoirs d’arbitrage du Cema est venu parachever cette évolution. Les programmes d’armement sont désormais conduits avec davantage de rigueur et de cohérence capacitaire.
Je me suis appuyée sur cette nouvelle organisation pour redéfinir une véritable politique industrielle. Elle consiste en une relance de la prospective et de l’action stratégique, au service de l’« autonomie compétitive ». La priorité est donnée au redressement de l’effort de recherche, au développement et au maintien des capacités technologiques-clés pour l’avenir.
Une industrie performante et compétitive
J’ai voulu une industrie performante et compétitive.
Cela passe d’abord par une plus grande visibilité, offerte aux industriels. C’est le rôle de la LPM rénovée et surtout exécutée.
Cela reposait ensuite, pour les activités industrielles directement liées au ministère, par une adaptation.
DCN est devenue une entreprise dotée en fonds propres, désormais rentable. La loi votée fin 2004 a permis l’ouverture du capital de DCN, contribuant ainsi à préparer ses futurs mouvements stratégiques dans un cadre européen.
En ce qui concerne Giat-Industries, l’objectif final demeure de construire une entreprise pérenne et rentable à l’horizon 2006.
L’État, pour sa part, tient l’essentiel de ses engagements prévus dans le contrat d’entreprise conclu en mars 2004, que ce soit en matière sociale ou d’engagements de commande.
Europe de la défense
Mon troisième objectif c’est de donner une dimension européenne à la défense.
L’Europe est devenue la dimension normale et nécessaire de notre indépendance stratégique.
Depuis les balbutiements de la défense européenne, la France y a joué un rôle d’entraînement important, que ce soit sur le plan opérationnel, institutionnel ou capacitaire.
Ces dernières années, les progrès ont été spectaculaires. Les avancées continuent, en dépit des résultats des référendums sur la constitution. Je pense à la mise sur pied des GT 1500, de la Force de gendarmerie européenne.
L’indépendance stratégique c’est aussi notre capacité industrielle à l’échelon de l’Europe.
Nous avons également joué un rôle majeur dans la montée en puissance de l’Agence européenne de défense (AED). Elle est déjà une réalité : elle a réalisé les recrutements nécessaires, elle dispose d’un programme de travail. Elle est reconnue au sein des institutions européennes, forte de la légitimité apportée par les 25 ministres de la Défense.
Ce sont également les nombreux programmes d’armement conduits en coopération auxquels la France participe : l’avion de transport A400M, les missiles Meteor et Scalp, les hélicoptères Tigre et NH90, le satellite d’observation Hélios 2, les frégates Horizon et Fremm, le sous-marin Scorpène.
Il reste encore du chemin à parcourir.
L’Europe doit disposer d’une industrie de défense à la mesure de son poids économique et politique dans le monde.
Face aux défis que constituent les États-Unis mais aussi les différents pôles émergents, l’Europe doit pour cette raison rester notre référence en matière de programmes et de consolidation industrielle.
La voie de l’efficacité est celle de la coopération et du rapprochement de nos industries. Nous devons donner à nos entreprises les moyens de nouer des partenariats européens.
Pour ce faire, nous devons au préalable encourager les rapprochements industriels, en nous inspirant par exemple de ce qui a été fait pour Safran. Ce projet, porté par des industriels, a permis la privatisation de Snecma tout en garantissant les intérêts stratégiques de l’État.
Le mouvement des consolidations industrielles en Europe est relativement avancé dans les secteurs de l’aéronautique, de l’espace, de l’électronique.
Nous devrons et nous progresserons, quoiqu’en disent certains, dans le domaine naval.
Nous devrons encore progresser dans le secteur des armements terrestres, où le paysage reste dispersé bien que des mouvements s’esquissent.
L’Agence européenne de défense devrait favoriser l’harmonisation de nos besoins et le développement d’une industrie européenne de défense florissante. Elle se saisira bientôt des projets que nous avons jugés prioritaires, à commencer par les drones et les véhicules blindés terrestres.
S’ils veulent résister à leurs concurrents actuels et futurs, les Européens doivent davantage porter leurs efforts sur les capacités d’avenir.
Aujourd’hui, et le Salon du Bourget en a fait la démonstration, nous, Français et Européens, sommes à la pointe de la technologie dans de nombreux secteurs.
R&D
Les innovations technologiques sont une clé de cette avance. C’est pourquoi un effort de recherche et développement (R&D) soutenu est capital.
J’ai décidé pour ma part une augmentation des crédits consacrés aux études amont qui devront s’élever à 700 millions d’euros par an en 2008. J’entends atteindre cet objectif quelles que soient les contraintes budgétaires.
Le développement de démonstrateurs financés à plusieurs États membres est un exemple concret de la voie à suivre : dans le domaine des drones, la France a lancé avec plusieurs de ses partenaires européens le projet Neuron dévoilé au Salon du Bourget. Le drone Euromale répond également à un besoin capacitaire de l’Europe. Nous souhaitons apporter notre contribution à ce projet qui doit avoir une dimension résolument européenne.
Le secteur spatial doit être une ambition prioritaire : il me semble fondamental que l’Europe ne passe pas à côté de cet enjeu.
Le lancement réussi d’Hélios II en décembre 2004 a été un signe fort et encourageant. L’arrivée prochaine de Syracuse III améliorera également nos capacités de télécommunications militaires.
Les Européens doivent encore augmenter leurs capacités
d’observation et d’écoute spatiale, afin de combler le déficit existant en matière d’images et de distribution de l’information.
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Je terminerai en remerciant tous les organisateurs de ces deux sessions de formation. Elles sont fondamentales, particulièrement dans un univers en permanente mutation comme l’est celui de la défense en Europe. Elles constituent non seulement un outil de formation de haut niveau, mais également un lieu de rencontres, d’échanges d’idées et de réflexions stratégiques.
Bien que leurs calendriers ne soient pas superposables, les interactions entre la session nationale du CHEAr et la Sera devraient être développées. La séance commune qui nous réunit aujourd’hui doit servir de première étape de ce rapprochement nécessaire.
Je souhaite également que le CHEAr multiplie les contacts, en France et à l’étranger, avec des institutions homologues.
Votre participation à ces sessions requiert un investissement personnel important de la part de chaque auditeur.
Je vous félicite d’avoir tous, à divers titres, apporté cette année votre appui et vos talents à ces sessions de formation.
Vous contribuez ainsi à forger et diffuser cette culture de la défense et de l’armement dont nous avons le plus grand besoin, pour construire ensemble une Europe de la défense ambitieuse et porteuse d’avenir. ♦