Désarmement, non-prolifération nucléaire, sécurité de la France
Désarmement, non-prolifération nucléaire, sécurité de la France
Quelle doit être la posture de la France en matière de stratégie nucléaire ? C’est à cette épineuse question que tente de répondre ce rapport d’information du 24 février 2010 réalisé par Jean-Pierre Chevènement au nom de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, dont il est l’un des vice-présidents.
Après avoir rappelé en préambule que le rôle des armes nucléaires n’était plus le même aujourd’hui que dans le monde bipolarisé de la guerre froide, et que la menace d’une « apocalypse nucléaire » n’était plus à l’ordre du jour, la Commission fait état d’un « nouvel ordre nucléaire ».
Dans cette nouvelle ère qualifiée de « basse pression nucléaire », la France doit affirmer son rang et sa place. Dans ce dessein, la Commission dégage pas moins de 32 conclusions et préconisations, dont émergent quelques thématiques récurrentes.
Tout d’abord la France doit maintenir sa posture de dissuasion « strictement suffisante », conciliants intérêts stratégiques et volonté d’évoluer vers un monde démilitarisé. Ensuite, elle se doit de garantir son indépendance stratégique, en considérant par exemple avec prudence tout projet de bouclier antimissiles européen (qui pourrait avoir comme conséquence l’évolution vers une stratégie de défense collective européenne).
Au-delà du contexte européen, les membres de la Commission soulignent le rôle capital du Traité de non-prolifération (TNP), qui bien que n’ayant pu que ralentir la prolifération et non l’éradiquer, reste l’axe central de la lutte mondiale contre la prolifération nucléaire, tout comme l’AIEA, dont l’autorité remise en cause par des crises récentes doit être réaffirmée, en constitue l’instrument.
Enfin à l’aune de la signature du traité START II entre les États-Unis et la Russie, la France doit s’engager dans une évolution graduelle du processus de dénucléarisation qui comprend en plus de la diminution des arsenaux des deux grandes puissances, la ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) par tous les États et la création d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles à usage militaire.
Ce rapport constitue un tour d’horizon très complet de la question nucléaire, qui met en évidence les enjeux actuels et de demain de cette problématique majeure des relations internationales contemporaines, et qui préconise de façon très précise le rôle que devra jouer la France pour s’adapter à cette nouvelle réalité.
Les 32 conclusions et préconisations sont regroupées autour des quatre objectifs suivants : réunir les conditions d’une « zone de basse pression nucléaire » dans la perspective du désarmement prévu par l’article VI du TNP ; relancer la promotion des usages pacifiques de l’énergie nucléaire, qui fonde la légitimité du TNP ; inscrire le maintien de l’ordre nucléaire mondial dans la perspective d’une réduction des tensions et d’un traitement des problèmes politiques récurrents ; garantir la sécurité de la France et le maintien d’un équilibre pacifique sur le continent européen.
Les sénateurs développent ensuite en cinq grandes parties leur réflexion sur la question.
Dans la première, ils dressent un état des lieux de la situation mondiale et soulignent le rôle majeur du TNP. « En dépit de ses réelles fragilités, le TNP demeure un instrument irremplaçable pour la sécurité internationale […] aucun État n’a intérêt à l’effondrement du traité et à voir apparaître, dans son voisinage, de nouveaux États nucléaires » « Il ne peut y avoir d’autre alternative que de soutenir et consolider le TNP ».
Dans la deuxième, ils évoquent la possibilité d’aller vers une zone de basse pression nucléaire. « Le désarmement nucléaire doit ainsi s’inscrire dans le cadre d’un processus graduel, qui s’attache à réunir les conditions d’un monde sans armes nucléaires et d’une sécurité non diminuée pour tous ».
Cette évolution passe également par une nécessaire promotion du nucléaire civil, sujet développé dans la troisième partie, et par la recherche du maintien de l’ordre nucléaire mondial et d’un traitement des problèmes politiques qui l’affectent, sujets traités dans la quatrième partie.
« Des trois piliers du TNP, l’usage pacifique de l’énergie nucléaire est certainement celui qui a jusqu’ici le moins mobilisé la communauté internationale ». « La mise en œuvre de l’article IV du TNP prend une importance nouvelle. Il s’agit en effet d’apporter une réponse crédible aux attentes des États souhaitant accéder à l’énergie nucléaire tout en préservant les objectifs fondamentaux du traité ».
Enfin, la cinquième et dernière partie est consacrée à la position française dans la sphère européenne, et est conclue par six préconisations intéressant la sécurité de la France et de l’Europe. « La stricte suffisance exclut que la force nucléaire stratégique française puisse être prise en compte dans le processus d’une négociation multilatérale ». La France doit sensibiliser ses alliés à l’intérêt de maintenir un principe de dissuasion en Europe tant que ses voisins n’ont pas renoncé à leurs armements nucléaires et ne pas réclamer « une Europe sans armes ». « La dissuasion française indépendante doit rester une dissuasion nationale même si elle contribue à la dissuasion globale de l’Alliance ».
En annexe, une rubrique intitulée « Examen en commission » rapporte les principales remarques et conclusions des protagonistes, notamment celles de Jean-Pierre Chevènement, rapporteur de la Commission.