Trop réticente à l’égard des discussions sur le désarmement nucléaire et trop affirmative en ce qui concerne sa dissuasion, la France adopte une attitude qui pourrait l’éloigner de ses partenaires européens et l’isoler sur la scène internationale. Les lignes de forces apparues lors de la dernière conférence d’examen du TNP et la ligne de plus grande pente nucléaire de la plupart des pays européens de l’Otan montrent les risques pour notre pays d’un jeu à la fois trop fermé sur le plan diplomatique et insuffisamment prospectif sur le plan stratégique.
Dissuasion et désarmement nucléaire : la France dans un corner
Deterrence and nuclear disarmament: France in a corner
Too hesitant when it comes to discussions on nuclear disarmament and too assertive concerning deterrence, France takes a line that could distance it from its European partners and isolate it in the wider world. The main themes that came up during the latest NPT Review Conference and the nuclear line of greatest slope taken by most of the European NATO countries showed the risks for our country of playing a game that is both too exclusive at the diplomatic level and not forward-looking enough on a strategic plane.
La huitième session d’examen du Traité de non-prolifération (TNP) de 2010 ne s’est pas terminée, comme sa devancière en 2005, sur un absolu fiasco. Et c’est heureux ! Le document approuvé par consensus à l’issue de cette conférence (1), après des années de flottement, vient tout d’abord renforcer la validité du traité sur lequel s’appuient tous les efforts de discipline internationale en matière nucléaire (2). Cette déclaration finale peut aussi être tenue pour importante parce qu’elle lie, dans un même plan d’actions, des projets qui concernent les trois domaines couverts par le TNP : le désarmement, la non-prolifération et l’usage pacifique de l’énergie nucléaire (3).
Cependant, sous l’accord de façade, ce qui ressort c’est la démarcation de plus en plus nette des positions entre les pays émergents, drainant avec eux les non-alignés, et les États nucléaires auxquels il est reproché de ne pas faire assez en matière de désarmement. Le compromis passé entre les 189 pays ayant signé le TNP n’a donc été obtenu qu’au prix de très fortes concessions. L’instauration de nouveaux mécanismes de vérification des activités nucléaires civiles, récusée par la plupart des pays du Sud, n’a finalement pas été retenue. Aucune date butoir n’a été imposée au démantèlement des arsenaux nucléaires existants. Les cinq grandes puissances nucléaires hostiles à cette idée se sont néanmoins vaguement engagées à accélérer la réduction de leurs stocks d’armes.
Au travers de ces clivages, le directoire des cinq États officiellement dotés d’armes nucléaires a vu son statut et ses prérogatives pour la première fois ouvertement contestés. L’accord passé entre Téhéran, Brasilia et Ankara sur le nucléaire iranien, en pleine phase de finalisation de la conférence du TNP, enfonça le clou. Comme dans une de ces saynètes burlesques qui émaillent les pièces de Shakespeare et donnent à entrevoir la fin du drame, l’Iran, le Brésil et la Turquie osaient, face aux vieilles puissances nucléaires abasourdies, affirmer, l’espace d’un moment, la possibilité d’un jeu obéissant à d’autres règles.
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