Asie centrale - L’anomalie kirghize
« Deux Glorieuses » à peine – les 6 et 7 avril – et le peuple kirghize aura évincé un régime exécré. Non sans pertes : le chiffre annoncé de 87 morts témoigne d’une véritable révolution, stupéfiante dans une région centre-asiatique tenue par les pires dictatures. Le gouvernement provisoire en devient une anomalie, une sorte de kyste qu’il faudra résorber de crainte que la « contamination démocratique » ne s’étende.
Les pays voisins du Kirghizstan n’ont donc pas tardé à multiplier les obstacles. Les Ouzbeks et les Kazakhs, en particulier, ont fermé leurs frontières. Tachkent, certes, avait tout à craindre d’une contagion analogue à celle qu’a exercée, en mai 2005, dans la région d’Andijan, la soi-disant « révolution des tulipes ». Les précautions prises par les Ouzbeks en deviennent compréhensibles. Mais Astana, présidente de l’OSCE et qui, à ce titre, avait quelque crédit pour régulariser la crise à Bichkek, n’a ré-ouvert ses frontières que le 20 mai. Il a fallu pour cela que le nouveau pouvoir kirghize, excédé, se décidât à fermer, le 18, les canalisations qui, à partir du territoire kirghize, irriguent les cultures maraîchères au Kazakhstan. Ainsi s’est comporté « le peuple kazakh frère » alors même que la fermeture de la frontière au nord de Bichkek soumettait le gouvernement provisoire à un blocus économique (1) : le bazar de Dordoï, essentiel à la vie de la capitale kirghize par la réexportation des produits chinois vers la Russie et l’Asie centrale, était mis en quasi-chômage et pouvait déverser des hordes de mécontents sur le centre-ville. Une catastrophe assortie de pillages pouvait résulter de ce blocus !
Une telle attitude de la part du pays prétendu « le plus libéral » d’Asie centrale montre combien la nouvelle expérience démocratique des Kirghizes est sous haute surveillance. L’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) (2) n’a-t-elle pas, d’abord, considéré le changement de pouvoir comme « anticonstitutionnel et illégitime » et apporté son soutien au Président biélorusse qui a recueilli Kourmanbek Bakiev chez lui ? Mêmes réserves du côté de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) (3) qui n’a pas autorisé Rosa Otounbaeva, présidente kirghize intérimaire, à représenter son pays au Sommet de l’OCS à Tachkent, les 10 et 11 juin.
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