Les Grandes questions internationales, depuis la chute du mur de Berlin
Les Grandes questions internationales, depuis la chute du mur de Berlin
Le livre que Thierry Garcin a publié chez Économica en mai 2009 mérite d’être signalé à l’attention des lecteurs de la Revue Défense Nationale, en raison de la personnalité de son auteur, de l’intérêt de ses thématiques, de l’originalité des illustrations et de la documentation qui en font un ouvrage de référence. Ce manuel destiné aux étudiants en relations internationales est aussi un remarquable outil de travail pour tous ceux qui s’intéressent aux bouleversements de l’exceptionnelle période de transition qui a caractérisé les lendemains de l’ouverture du mur de Berlin et la dissolution de l’Union soviétique. Une transition qui, au début de la seconde décennie du XXIe siècle est loin d’être achevée et qui réserve sans doute encore bien des surprises.
Producteur délégué à Radio France, animateur de l’émission matinale et quotidienne Enjeux Internationaux l’auteur, journaliste et enseignant, est ancien auditeur de la 38e session nationale de l’IHEDN. Il a eu le privilège d’interviewer un très grand nombre de personnalités, françaises et étrangères. Docteur d’État habilité, il est maître de conférences à HEC et enseigne à Paris I et Paris III, au CEDS après Science Po et l’IIAP.
Pour reformuler les questions clés de notre époque, Thierry Garcin a choisi d’inventorier les obsolescences et les héritages, les nouveautés et les utopies ainsi que les permanences en organisant son ouvrage en sept grandes parties qui couvrent sept thématiques principales.
Les bouleversements des années 1989 à 1991 et leurs conséquences : fin du communisme sur le Vieux Continent et mort de l’URSS après soixante-dix ans ; qu’en est-il aujourd’hui ? Les États-Unis unique superpuissance ; est-ce encore une donnée fondamentale en 2009 ? Les grands facteurs de déstabilisation : dégradation des relations internationales, guerres civiles, privatisation de la violence armée, mise en cause des fondements des États et des sociétés. Les tentatives de recomposition régionale, par les économies, les réseaux multipolaires, les pays émergents ; le cas de l’Europe… La défense dans les rapports de force internationaux ; quel avenir pour les capacités stratégiques et militaires des grandes puissances ? Le rôle des organisations internationales ; leurs ambitions, leurs faiblesses, leur inefficacité. Balkanisation versus mondialisation ; deux branches d’une même tenaille…
Thierry Garcin s’inscrit dans la tradition réaliste des relations internationales. Il retient les grandes tendances fondamentales, insiste en priorité sur les faits et sur les périodisations, pour proposer un panorama cohérent et pour énoncer des arguments principaux, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité. Présentant des données indiscutables plutôt que des opinions influencées par des considérations idéologiques ou par des a priori de politique politicienne, il procède par interrogations, notamment pour les sujets qui font encore polémique, tout en signalant les références des principaux tenants de thèses divergentes ou franchement opposées.
En pratique, chacune des sept parties est subdivisée en un petit nombre de chapitres qui rappellent les événements majeurs et les problématiques dominantes d’un sujet spécifique. La principale originalité réside dans l’abondance des cartes, des tableaux et des encadrés qui figurent dans chacun des chapitres. À la fois clairs et précis, rédigés personnellement par l’auteur, ils témoignent de ses talents pédagogiques, fruits d’une longue pratique de la communication et de l’enseignement.
Faute de pouvoir citer les 24 chapitres dans le cadre de cette recension, voici un exemple des quatre premiers qui couvrent les bouleversements des années 1989 à 1991. Ils s’intitulent successivement : la chute des régimes communistes à l’Est ; l’unification de l’Allemagne ; la mort de l’URSS et la renaissance de la Russie ; le conflit du Golfe.
En 81 pages illustrées par 9 cartes schématiques en noir et blanc, plus quatre cartes en couleurs regroupées dans le cahier central du livre, ces schémas sont complétés par 11 « encadrés » traitant de sujets spécifiques. Par exemple, dans le chapitre relatif à l’unification de l’Allemagne, l’encadré « Heurs et malheurs des pronostics sur l’unification allemande » permet, avec le tableau qui rappelle les chronologies de l’événement, de faire la part des polémiques et celle des réalités historiques sur les décisions du gouvernement français au moment de la chute du régime de la RDA ; décisions cruciales qui pèsent encore sur la qualité des relations franco-allemandes… À la fin de chaque chapitre, des listes de références bibliographiques, suggèrent des lectures complémentaires à l’attention des lecteurs désireux de trouver des prolongements dans les textes de spécialistes renommés ou sur Internet. Le mode de présentation retenu par l’auteur témoigne de son souci d’objectivité et de neutralité, conforme aux plus respectables traditions de la déontologie universitaire et journalistique. Loin d’affirmer et de défendre des thèses personnelles, il laisse au lecteur le soin de juger par lui-même sur la base d’un nombre impressionnant d’informations et de références.
Dans une courte conclusion, qui résume ses principales observations, Thierry Garcin remarque notamment l’incapacité de l’Europe à devenir une grande puissance politique et à s’émanciper de la tutelle des États-Unis. Cependant, les différents entre Américains et Européens se sont multipliés. En 2009, les effets de la crise financière et économique, des échecs militaires en Irak et en Afghanistan, des progrès fulgurants de la Chine et de l’Inde, avaient déjà fragilisé le président Obama. La dernière phrase de la conclusion rappelle que « pour le meilleur et pour le pire, l’ordre international est inséparable du désordre international ». La catastrophe financière causée par les membres les plus radicaux du parti Républicain, apprentis sorciers de la dérégulation et de « l’économie casino », ne serait-elle pas l’annonce de l’échec du modèle américain de société que Fukuyama avait célébré en prétendant qu’il annonçait « la fin de l’histoire » ? Entre les outrances du modèle soviétique et celles de l’ultralibéralisme, le XXIe siècle verra-t-il éclore un nouveau modèle plus équilibré au profit de l’avenir des sociétés humaines ? ♦