Dans cette seconde livraison, Christian Malis, « Prix d’honneur Amiral Marcel Duval 2010 », expose les principales articulations de la géopolitique développée par le général Gallois et met en évidence « l’esprit passionné, la vaste intelligence et la capacité d’analyse », selon les propres termes d’Henry Kissinger, de ce penseur militaire aujourd’hui disparu.
Pierre Gallois géopoliticien (2e partie)
Pierre Gallois the geopolitician (Part 2)
In this second contribution, Christian Malis, winner of the Marcel Duval prize in 2010, describes the primary aspects of geopolitics as developed by General Gallois and reveals the ‘passionate spirit, the vast intelligence and analytical ability’, according to Henry Kissinger, of this late-lamented military theorist.
La plupart des textes de Pierre Gallois après Les Voies de la puissance sont des œuvres d’analyse autant que de combat. Si on peut le caractériser comme un « stratège critique » face à la politique de défense française post-gaullienne, et surtout de la période giscardo-mitterrandienne, il se présente comme « un géopoliticien critique » du « nouvel ordre mondial » à dominante américaine annoncé par le premier Bush. Cet ordre se met en place à la suite des deux événements structurants pour la période 1990-2010 que sont la disparition de la bipolarité et la guerre expéditionnaire contre l’Iraq en 1991.
Sur les États-Unis, mais aussi et surtout sur l’Allemagne, la critique géopolitique de Pierre Gallois doit être resituée dans l’histoire longue de sa pensée et de son œuvre.
Amérique impériale et critique de la mondialisation
Pierre Gallois avait été proche de l’Administration Eisenhower grâce aux amitiés développées à l’Otan, en particulier avec le général Norstad, un second père spirituel pour lui, et le futur général Richardson. Mais il critiqua avec violence la nouvelle posture de l’Administration Kennedy, condamnant les « forces de frappes nationales », dont la française, et adoptant une doctrine défensive de « riposte graduée » interprétée par Gallois comme le refus d’assurer désormais, compte tenu de la nouvelle vulnérabilité américaine aux armes soviétiques, la protection thermonucléaire de l’Europe de l’Ouest. Cependant, les progrès stratégiques soviétiques dans les années 70 et les inquiétants accords Salt le conduisent à se retrouver sur la même ligne que la nouvelle droite américaine qui forge ses armes idéologiques à partir du milieu des années 70, et dont les idées vont constituer un courant important de la politique américaine sous Reagan. Dans le cadre de la bataille des Euromissiles, à laquelle il prend une part active, il préconise l’achat par la France de missiles Pershing II pour moderniser sa dissuasion. Pourtant l’Initiative de défense stratégique, l’IDS, puis la tournure prise par les négociations de désarmement entre Reagan et Gorbatchev, le conduisent à prendre à nouveau ses distances avec l’Amérique, avant qu’il ne reprenne des accents incessamment et violemment critiques dans les années 90, attitude qui n’est pas sans rappeler l’« antiaméricanisme » des années 60.
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