Défense dans le monde - Convention sur les armes à sous-munitions : le temps d’agir
Alors que vient de s’achever sur des notes encourageantes la première Conférence des États parties à la Convention sur les armes à sous-munitions à Vientiane au Laos, l’impérieuse nécessité d’agir demeure, comme l’a rappelé l’accident tragique survenu pendant la conférence où une fillette a été tuée par l’explosion d’une sous-munition.
Signée à ce jour par 108 États et ratifiée par 49, cette convention représente sans nul doute l’un des instruments les plus aboutis en termes de droit international humanitaire. Interdisant en toute circonstance l’utilisation, la production, le stockage et le transfert des bombes à sous-munitions (BASM), elle contient dans son article V des provisions sans précédent pour l’assistance aux victimes et la protection des populations affectées. Elle engage les États à dépolluer leurs territoires dans un délai de dix ans et à détruire leurs stocks sous huit ans. Soutenu par plusieurs États moteurs, avec à leur tête, la Norvège et par une coalition d’ONG regroupées au sein de la Cluster Munition Coalition, dont Handicap International est un membre fondateur, le processus rapide de négociations a été exemplaire. Il a permis en moins de trois ans la signature de la convention à Oslo en 2008 et son entrée en vigueur, le 1er août 2010.
C’est donc sur des bases solides de coopération que la première conférence des États parties s’est tenue à Vientiane, capitale du Laos, pays le plus touché par les sous-munitions en novembre dernier. Réunissant 121 États, dont 34 États non-signataires, les États ont adopté une déclaration politique et un plan d’action décliné en 66 points, visant à traduire les obligations du Traité d’Oslo en actions concrètes à réaliser dans les cinq ans. Ces mesures doivent s’accompagner d’engagements budgétaires tangibles afin de satisfaire ses obligations.
De grands défis doivent être relevés, notamment l’universalisation et la mise en œuvre de la convention afin qu’elle demeure la plus haute norme internationale de protection contre ces armes dont 98 % des victimes recensées sont des civils.
Les défis de l’universalisation
Même si la Conférence de Vientiane a accueilli un grand nombre d’États non parties au Traité d’Oslo, et a été l’occasion de déclarations politiques en faveur de son universalisation, la communauté internationale doit rester pleinement mobilisée dans les mois à venir pour encourager cette norme auprès de l’ensemble des États non-signataires. Un point saillant de vigilance demeure : l’ambiguïté de certains États, au premier rang desquels la France, le Japon ou encore l’Italie, qui continuent de soutenir l’adoption d’un protocole additionnel sur les armes à sous-munitions, dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC). Les négociations du protocole VI n’ont toujours pas donné suite à un accord après de nombreuses, coûteuses et infructueuses années de discussions. Alors que la quatrième conférence d’examen de la CCAC se déroulera en novembre 2011, le programme de travail a été accéléré afin de parvenir à un consensus à cette échéance. Pour le moment, le texte en discussion affaiblira les provisions contenues dans la convention sur les armes à sous-munitions, notamment sur les définitions des armes interdites, l’assistance aux victimes ou encore les obligations de dépolluer et détruire les stocks existants. Il est indispensable que les États parties continuent de promouvoir les plus hauts standards du Traité et refusent un protocole qui réduirait les avancées considérables de la CCM. C’est pourquoi, il est d’autant plus nécessaire que l’ensemble des États ratifie au plus vite la convention afin d’universaliser la norme pour qu’elle s’impose à tous. L’appui de la communauté internationale sur cette question sera déterminant.
Les défis de la mise en œuvre
Bien que le plan d’action de Vientiane reflète un engagement concret des États à mettre en œuvre les obligations du texte, la communauté internationale et la société civile ont le devoir de suivre avec attention les mesures d’application de la convention dès 2011 afin d’améliorer concrètement la vie des victimes et des communautés affectées. Il est décevant de constater qu’un large fossé se creuse entre les déclarations politiques fortes et les actions réalisées de certains États. En signant la convention et en adoptant le plan d’action, les États ayant la capacité de le faire, en particulier les pays du Nord, doivent apporter un soutien financier, matériel et technique effectif aux pays contaminés.
Bien que les fonds octroyés à l’action contre les mines et les restes explosifs de guerre demeuraient élevés en 2009, la France se classe loin derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne ou le Luxembourg en termes de contributions bilatérales et n’arrive qu’en 17e position malgré des ambitions politiques affichées. Pourtant, seul un soutien financier direct et concret pour les populations touchées permettra à la convention de prendre tout son sens et à la France de remplir pleinement ses obligations.
De même, alors qu’un nouveau centre français de destruction des armes à sous-munitions doit prochainement voir le jour et, compte tenu des difficultés techniques liées à la destruction de certains types de BASM, il est important que la France contribue financièrement et techniquement à l’effort de destruction des stocks de certains pays n’ayant pas les capacités de le faire. Ce serait déjà une avancée vers la fin de l’usage de ces armes et un appui concret aux pays demandeurs.
La seconde conférence des États parties à la Convention sur les armes à sous-munitions se tiendra du 12 au 16 septembre 2011 à Beyrouth au Liban, pays fortement contaminé. Il ne reste aux États que quelques mois pour venir avec des propositions d’actions et de soutien concrets et démontrer ainsi leur engagement vers l’éradication de ces armes dévastatrices. Il est grand temps d’agir. ♦