Cyberguerre et guerre de l’information : stratégies, règles, enjeux
Cyberguerre et guerre de l’information : stratégies, règles, enjeux
Par une approche à la fois empirique et conceptuelle, cet ouvrage offre une réflexion sur les concepts-clés de « guerre de l’information » et de « cyberguerre » et dégage les mécanismes, logiques et modalités qui caractérisent les rapports de force au sein du cyberespace. Les trois premiers chapitres, « La cyberguerre et ses frontières » (François-Bernard Huyghe), « Guerre du sens, cyberguerre et démocraties » (colonel François Chauvancy), « Intelligence, the first Defence? Quelques observations sur la guerre de l’information dans son rapport à la surprise stratégique » (Joseph Henrotin), sont la partie théorique et conceptuelle de l’ouvrage. Les deux derniers chapitres offrent une approche plus pratique, empirique, opérationnelle dans « Aspects opérationnels d’une cyberattaque, renseignement, planification et conduite » (Éric Filiol) et « Émeutes au Xinjiang et guerre de l’information chinoise » (Daniel Ventre).
François-Bernard Huygues, responsable de l’Observatoire géostratégique de l’information à l’Iris, souligne plus particulièrement les nombreuses différences avec la guerre « classique » : faible traçabilité de l’attaque, d’où un anonymat relatif de l’attaquant et la difficulté de prouver qui est l’agresseur ; ambiguïté de son statut, de celui du responsable, mais aussi de ses buts (savoir, désorganiser, contraindre…) ; asymétrie qui favorise l’attaquant ; discontinuité, car jusque-là les cyberguerres se limitent à une unique attaque ; non létalité à ce jour ; imprévisibilité des effets ; absence enfin d’une véritable grammaire de la contrainte et de la dissuasion.
Daniel Ventre, ingénieur au CNRS, analyse les émeutes qui ont eu lieu dans la région du Xinjiang (Chine) au cours de l’été 2009 et montre quelques aspects de la stratégie chinoise de guerre de l’information, contribuant ainsi à une évaluation des capacités actuelles du pays en la matière. S’appuyant sur une reconstitution chronologique des faits, un rappel du cadre théorique doctrinal chinois, une étude statistique détaillée des attaques menées contre les sites Internet des pays impliqués dans l’affaire du Xinjiang et une observation de la manière dont les acteurs ont pu utiliser le cyberespace lors de cette crise, l’analyse propose plusieurs conclusions qui aboutissent notamment à relativiser la capacité de contrôle de l’Internet y compris en Chine. Y est-elle aussi puissante que nous voulons bien l’imaginer ? En effet, aujourd’hui, en Chine comme ailleurs, les acteurs étatiques ne sont plus les seuls à pouvoir manipuler avec succès le cyberespace. Les autorités peuvent être mises en échec.
Le colonel Chauvancy, du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations, aborde enfin la dimension idéologique des guerres par le cyberespace. Les conflits en cours engagent les États occidentaux dans le contexte d’une société de l’information qui permet à tout acteur, qu’il soit étatique ou non, de contester leur conception et leur perception du monde. De fait, la cyberguerre pose la question de la guerre du sens grâce à ce nouvel espace de bataille qu’est devenu le cyberespace. L’information y est créée, exploitée, diffusée, instrumentalisée pour exercer une influence dans un nouvel affrontement des idées assemblées parfois en idéologies. « Guerre du sens, cyberguerre et démocraties » exprime et met en relation les nombreuses problématiques d’une société démocratique occidentale qui peuvent l’affaiblir ou la renforcer dans la conduite des conflits contemporains à travers les nouvelles tensions idéologiques exercées par cyberespace « interposé ». ♦