Editorial
Éditorial
Comme beaucoup l’ont relevé, nos forces armées sont aujourd’hui engagées dans de nombreuses opérations simultanées ; exigeantes et sensibles, elles font appel à leur réactivité et leur savoir-faire, à leur sang-froid et leur abnégation. Dans la ville d’Abidjan pour sauvegarder la légalité des choix démocratiques d’un peuple ami ; dans le ciel de Libye pour protéger une population révoltée aux prises avec un pouvoir déjugé, au Liban pour aider à pacifier une zone tampon, dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie pour contrer la piraterie, en Afghanistan pour lutter contre le terrorisme et aider à la modernisation de ce pays charnière. Engagées précisément sur cet arc de crise qui est l’arc de responsabilités le long duquel nous défendons directement nos intérêts et nos valeurs. Engagées pour contribuer à une stabilité régionale, condition de la sécurité du continent européen et du territoire national.
Ces déploiements multiples, souvent à faible préavis, en correctif plutôt qu’en préventif, nous font prendre conscience de l’instabilité ambiante mais aussi, et c’est peut-être nouveau, des contraintes et des limites des engagements collectifs, qu’ils soient européens ou atlantiques. Ils nous montrent la valeur irremplaçable de la qualification des faits et de la légitimation que procure le Conseil de sécurité des Nations unies dont la détermination et la lucidité sont les vrais garants de l’action cohérente d’une communauté internationale à la recherche de régulation stratégique. Ils nous font prendre également mieux conscience de la souplesse d’emploi de nos forces que procure une organisation politico-militaire éprouvée, appuyée sur un dispositif assez cohérent et des capacités opérationnelles dont la modernisation tenace et pragmatique permet de mettre en œuvre une large gamme de tactiques variées. Peut-être prenons-nous aussi toute la mesure de la valeur d’une autonomie stratégique préservée car les coalitions des volontaires et des capables sont souvent des freins voire des leurres. Sans dire que pour agir, il suffit certes de disposer de moyens, mais en quantités finalement mesurées, mais surtout d’objectifs clairs et de détermination ; sans dire que nous avons encore de la marge d’action.
Dans ce registre, et au-delà de l’exigence d’organisation de l’espace géostratégique européen qui est rappelée régulièrement malgré la paralysie actuelle de l’Union européenne, les transformations de la planète et les émergences stratégiques qui se profilent révèlent que c’est également au grand large et en relation avec des partenaires largement déployés que nous devons aller défendre nos intérêts et assumer nos choix géopolitiques et géo-économiques.
Les réflexions que diffuse ce numéro de mai illustrent ce temps de l’action militaire, qu’il s’agisse d’une meilleure prise en compte des réalités du territoire national, de soutien des forces, d’analyse stratégique des opérations en Afghanistan, d’évolutions africaines ou d’impasses militaires et industrielles européennes… ♦