L’engagement militaire français en Afghanistan a provoqué une lente prise de conscience du changement de nature des combats et des limites de l’emploi classique de la force armée. L’aggiornamento conceptuel et doctrinal qui en a résulté pour les forces terrestres a conduit à une adaptation pragmatique des structures et des moyens. Il reste que les efforts accomplis et les sacrifices consentis ont eu peu d’échos dans l’opinion publique. Telle est l’opinion qu’exprime l’auteur.
La guerre en Afghanistan et la France : un bien lointain conflit
France and the war in Afghanistan: a very far-off conflict
French military commitment in Afghanistan has resulted in a gradual realisation that the nature of combat and the limits of the conventional use of armed force have changed. For the land forces, the resulting conceptual and doctrinal updating has led to pragmatic changes in structures and resources. However, in the author’s opinion, the efforts and sacrifices made have not been reflected in public opinion.
L’attaque des Twin Towers, à New York, fut un événement considérable. Par lui-même, par le visage qu’il montrait des nouvelles ambitions du terrorisme international, par ce qu’il révélait brutalement de la guerre mondiale lancée par le nouveau djihadisme. Par ses conséquences en chaîne dans le monde et, en particulier, les nations qui, de près ou de loin, par solidarité ou par intérêt, allaient se lancer, à côté des États-Unis, dans la guerre contre le terrorisme. Parmi ces nations, la France, qui, sans délai, fait corps avec les États-Unis et qui, de ce fait, va se trouver vite entraînée, avec d’autres, dans un conflit qu’elle n’avait pas voulu : celui de l’Afghanistan.
Presque dix ans après, ses troupes se battent encore – et de plus en plus – dans un théâtre d’opérations qui, à bien des égards, va conduire à des évolutions profondes, particulièrement au cœur de l’appareil militaire.
Une brusque prise de conscience, sans lendemains
Le 18 septembre 2001, Jacques Chirac est à Washington. À la Maison-Blanche, il promet au président George W. Bush que la France sera à côté des États-Unis. Fin octobre, un premier avion français participe à l’opération Enduring Freedom. Le porte-avions Charles-de-Gaulle rejoint la zone fin décembre et des avions français participent à la traque des combattants d’Al-Qaïda, en particulier à la bataille de Tora Bora ; 300 premiers soldats sont déployés à terre. Dès la fin de l’année 2001, les forces françaises sont donc engagées dans le conflit qui vient de s’ouvrir, pour longtemps, à bas bruit sinon à bas coût. Cette participation, désormais croissante, ne provoque pas de débat, d’autant que le déploiement reste limité à la capitale et à son aéroport, outre une centaine d’instructeurs envoyés former l’armée afghane dans le cadre de l’opération Épidote. Que nos avions de combat survolent le sol afghan et s’y exercent à leur mission de bombardement, que nos soldats patrouillent dans Kaboul au lieu de le faire à Abidjan ou Mailly-le-Camp, voilà qui ne va pas révolutionner la France plus préoccupée de croissance économique, de dette d’État, de déficit de la Sécurité sociale, que de réflexion stratégique. Il y a bien quelques soldats qui perdent la vie à faire leur dangereux métier aux abords de l’Induh Kush, mais, après tout, c’est leur profession et l’espacement de ces décès est tel, qu’ils ne réveillent pas la torpeur stratégique des Français.
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