La coopération européenne en matière d’armement est laborieuse. Si la fonction armement est un indicateur de puissance et de souveraineté nationale, si la France a organisé ce secteur en fonction de son exigence d’autonomie stratégique, elle a aussi toujours souhaité la constitution d’une véritable base européenne d’armement, un projet qui se développe lentement.
Singularités du secteur français de la défense et difficultés d’une coopération européenne
Particularities of the French defence sector and the difficulties of European cooperation
European cooperation in the armaments sector is laborious. The armaments function is an indicator of power and national sovereignty and France has organized this sector as a function of its demand for strategic autonomy. But it has also always sought the constitution of a true European armaments base, a project which is developing only slowly.
Le secteur de la défense, en France comme dans tous les pays du monde, est un secteur économique spécifique placé au cœur même de l’État et participant à sa souveraineté et à sa puissance. Dans ce cadre, il est communément admis qu’il n’y a pas de défense sans industrie de défense. Ainsi, intrinsèquement liés à la politique et au rayonnement du pays, les armements ne sont pas des biens marchands comme les autres. Vecteurs de politique extérieure notamment, ils relèvent d’un marché dans lequel les acheteurs sont les États et qui est, par conséquent, le fruit de décisions politiques, ce qui implique l’existence d’interfaces entre les États et les industriels du secteur de la défense.
La France n’échappe pas à cette règle, et en particulier, la vente d’armes y est interdite par la loi (décret portant réglementation de l’importation, de la fabrication, du commerce et de la détention des armes, J.O. du 24-10-1935), ce qui conduit l’exécutif à y déroger selon des règles contraignantes. La politique de défense française se distingue cependant par de nombreux aspects de celle de ses voisins européens. Serait-ce là un frein à la construction d’une Europe de la défense ? On verra que ces singularités françaises ne peuvent justifier, à elles seules, les difficultés d’une coopération européenne. L’essentiel de la réflexion qui suit se focalise sur l’étude de la structuration du dispositif militaro-industriel français, mis en valeur par les dynamiques à l’œuvre dans l’ensemble de l’Europe.
Le secteur de la défense en France : spécificités et orientations
Le poids de l’industrie de défense française est considérable, non seulement en France mais aussi en Europe et dans le monde : au deuxième rang après celle du Royaume-Uni, elle offre plus du quart des capacités européennes, et consolide par ailleurs sa position de quatrième exportateur mondial (cf. DGA, bilan d’activités 2009). Par la diversité du tissu industriel concerné et l’importante variété d’acteurs, allant des grands groupes industriels dont l’activité est internationale (par exemple, EADS, DCNS, SNPE, Nexter, Thalès, Safran, Dassault Aviation), jusqu’aux PME détentrices de savoir-faire spécifiques, son activité englobe l’ensemble de l’éventail des équipements de défense. Pour peser sur les marchés, ces PME ont opté pour une stratégie de regroupement et c’est dans cette perspective que le Conseil des industries de défense françaises (Cidef) s’insère dans ce champ d’étude. Cette association rassemble les différents groupements et syndicats professionnels de l’industrie de défense française : le Gicat (Groupement des industries françaises de défense terrestre), le Gican (Groupement des industries de construction et des activités navales) et le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales).
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