Interrogations multiples sur le modèle chinois de puissance moderne. Comment traduire politiquement la puissance économique, à l’intérieur, à l’extérieur ? De l’intérêt pour tous de la réussite pacifique du modèle chinois.
Préambule - Ambiguïté et fragilité de la nouvelle puissance chinoise
Ambiguity and fragility of the new Chinese power
The Chinese model of modern power raises many questions. How should economic power be translated politically both internally and externally? The author suggests that it is in all our interests for the Chinese model to enjoy peaceful success.
La nouvelle puissance chinoise est une réalité incontestable ; surtout sur le plan économique où l’État chinois et les entreprises de l’Empire du Milieu ont pris une stature mondiale : d’atelier du monde, comme on disait avec un rien de condescendance il y a encore dix ou quinze ans, la Chine est devenue à la fois l’usine et la banque respectées du monde, avant d’en être sous peu de temps le laboratoire et le créancier. En bref, dans un système international dont la mondialisation économique est le moteur, la Chine fait aujourd’hui figure de grande puissance, de concurrent évident de la superpuissance américaine et, peut-être, de géant du XXIe siècle. Ce faisant, et dans un laps de temps aussi court — à peine trente ans pour passer de l’insignifiance à la puissance, de 1 à 10 % du PIB mondial — elle a modifié à son profit tous les circuits économiques, industriels et commerciaux, bouleversant ainsi des équilibres parfois séculaires. Sans doute les dirigeants chinois, tout entiers absorbés par la conduite de leur fulgurant essor et par le maintien de leurs propres équilibres, n’ont-ils pas encore mesuré l’ampleur des répercussions que leur « émergence », aussi pacifique et harmonieuse soit-elle dans leurs esprits, a pu déclencher dans le monde et dans les pays développés, en particulier. Ils commencent aussi à se rendre compte des dégâts considérables et des problématiques nouvelles que cette véritable révolution économique a créés dans leur propre société.
Ainsi, l’émergence chinoise, pour sensationnelle et admirable qu’elle soit, n’en pose pas moins un certain nombre de problèmes qui, compte tenu de la taille du géant, affectent autant la société chinoise que le reste du monde.
S’agissant de l’action extérieure de la Chine et de son influence dans le monde, on voit bien qu’il y a un hiatus entre l’affirmation de sa dimension économique et la modestie de son autorité politique. La Chine est manifestement « une puissance qui compte mais ne pèse pas », du moins pas encore. Son appareil diplomatique est très étendu mais la Chine semble répugner à prendre ses responsabilités dans les affaires du monde, notamment en ce qui concerne la sécurité. Elle épouse les positions de la communauté internationale lorsque celles-ci rejoignent ses intérêts — sur le terrorisme, par exemple — mais elle les récuse si elles peuvent la mettre en cause ; comme à Copenhague, en 2009. Elle veut bien avoir les avantages que procure la puissance mais semble en repousser les contraintes. Il faut dire, à sa décharge, qu’elle est encore loin d’avoir toutes les capacités — militaires, diplomatiques, politiques, financières — que suppose une puissance mondiale. Et il faut ajouter qu’elle tente, à sa manière, de rebattre les cartes du jeu international en proposant des alternatives, comme l’alliance des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ou encore l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) qui regroupe, avec la Russie, plusieurs États d’Asie centrale.
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