Pour l’auteur, la Chine est aujourd’hui obsédée par un désir de reconnaissance de sa profondeur historique et stratégique et soucieuse avant tout de la sécurité de son développement. Elle entend favoriser stabilité et sécurité pour appliquer méthodiquement une discrète mais ambitieuse politique d’influence régionale et mondiale.
La Chine dans les relations internationales : le choix pragmatique d’une approche indirecte
China’s international relations: a pragmatic preference for an indirect approach
In the author’s view, China is currently obsessed by a desire for recognition of its historic and strategic depth and is above all eager to safeguard its development. Its aim is to promote stability and security to enable the methodical implementation of a discrete yet ambitious regional and global policy of influence.
Plus que le rythme et la bonne santé de sa croissance, c’est avant tout l’extrême rapidité avec laquelle la Chine s’est imposée qui ne cesse d’étonner, faisant passer en un peu plus d’une génération, selon l’expression de C. Meyer (1), une nation au seuil de la famine et du sous-développement au statut envié de deuxième économie mondiale. Hier absente de la scène internationale, prisonnière d’un camp retranché dans lequel elle s’était laissée enfermée, victime de la guerre froide et de l’idéologie « jusqu’au-boutiste » de son Grand Timonier, la Chine est aujourd’hui présente sur tous les continents : assumant son rôle grandissant de puissance régionale en Asie du Sud-Est, elle multiplie les passerelles en Amérique latine et en Afrique où les tournées annuelles de son Président prennent des allures de marathon politique. Les instances multilatérales n’échappent pas à cette montée en puissance : en vingt ans, la Chine a investi la plupart des organisations internationales et fait désormais sentir le poids de sa présence, des institutions de Bretton Woods aux négociations sur le changement climatique en passant par le G20 et l’Organisation de coopération de Shanghai.
Cette présence reste pourtant pour l’essentiel officiellement modeste.
Incontournable, la Chine n’en reste pas moins étonnamment « en réserve », jouant volontiers la carte d’une humilité et d’une retenue qui ne laisse de surprendre, d’inquiéter (2) ou d’agacer, multipliant les paradoxes, soufflant le chaud et le froid, empêchant apparemment toute analyse de la réduire à une stratégie bien définie. Et, de fait, il faut se garder de vouloir enfermer la Chine dans des schémas de pensée : d’une part, la Chine se laisse déjà difficilement appréhender par la pensée ou les catégories occidentales (3), plus rompues aux oppositions qu’aux transformations lentes et tendant à prendre volontiers pour des contradictions ce qui pour la Chine n’est finalement qu’évolution naturelle ; d’autre part, son action procède autant d’une approche long-termiste que du pilotage à vue, ses dirigeants devant naviguer entre objectifs pérennes et nécessités immédiates, notamment dictées par les évolutions voire les convulsions de sa propre société ; aussi les principes fondamentaux sont-ils toujours susceptibles d’être soumis aux nécessités d’une Realpolitik sans qu’il y ait là pour la Chine le sentiment d’une contradiction.
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