Comment la Chine voit sa place dans le monde et à quelles stratégies et tactiques elle recourt pour renforcer sa position sur la scène internationale, sur base d’une grande stratégie, établie sur le long terme. Une analyse fondée sur la culture stratégique chinoise.
La Chine et sa stratégie du Go
China and its ‘Go’ strategy
How does China see itself in the world, and what strategies and tactics does it employ to strengthen its position on the international stage? This analysis is based on the nation’s strategic culture, and examines the long-term implementation of an all-encompassing strategy.
Aujourd’hui la Chine, puissance émergente par excellence, est confrontée au problème de penser une nouvelle stratégie « intégrale » sans avoir déjà réellement identifié son nouvel adversaire et sans courir le risque de provoquer les autres puissances du globe. C’est dans ces circonstances, comme le rappelle le général Salvan que « pour atteindre les buts de leur concept, les chefs politiques ont besoin d’une méthode et de moyens, c’est la stratégie ». Cette dernière est « l’ensemble des méthodes et moyens permettant d’atteindre les fins exigées par le politique » (1). La « stratégie intégrale » articulerait ainsi la sécurité extérieure aux facteurs d’ordre interne que sont tant les ressources économiques et la capacité de production des acteurs que leur culture ou idéologie et les institutions politiques qui les expriment (2). Bien que cela lui soit difficile, il est donc fondamental pour un État d’établir une stratégie générale, une grille de lecture sur le long terme qui lui permette de définir ou de redéfinir ses priorités par rapport au monde. En l’absence d’un tel cadre conceptuel structurant, les réponses aux faits sont incohérentes et réactives et les ressources allouées à ces mêmes réponses le sont en général à court terme.
Si Pékin n’a pas présenté sa grande stratégie dans un document officiel, il n’en demeure pas moins que certains événements, faits ou déclarations, permettent de comprendre quelle voie l’Empire du Milieu favorise.
La Chine a conscience de son influence grandissante dans les questions internationales et de sa place retrouvée sur la scène mondiale un siècle et demi après l’humiliation des guerres de l’opium (1839-1842). À cette fin, la priorité pour Pékin est de garantir son développement économique et sa modernisation (société harmonieuse) et de ce fait garantir une certaine stabilité à la fois dans le pays et dans son environnement direct (développement pacifique). La Chine craint en effet à l’intérieur le Ge Ming (le vide, le chaos). Quant au contrôle de sa périphérie, elle fait partie de son Dingwei (espace vital). Le Heartland chinois, dominé historiquement par les Han, forme le cœur de la Chine, qui se sent menacée de l’intérieur, en particulier par les régions du Xinjiang et du Tibet. Il faut donc garantir la sécurité intérieure, par un pouvoir central fort et éviter les scénarios catastrophes ayant marqué l’histoire de la Chine : guerres internes et invasions (comme les Mongols au XIIIe siècle). Sur sa frontière côtière, la Chine a bénéficié jusqu’au XIXe siècle d’une situation avantageuse, maîtrisant les mers environnantes par le système des tributaires. Les guerres de l’opium changeront toutefois la donne et la Chine se sent aujourd’hui extrêmement vulnérable sur sa façade maritime.
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