Comment conjuguer maintien du rythme de développement économique et prise en compte des impératifs écologiques ? Comment préserver la dynamique de l’avant-garde du centre sans délaisser les périphéries d’une société hétéroclite ? Le développement durable, industriel et social, est une exigence de cohésion et d’équilibre pour la Chine.
La Chine et l’environnement : du centre vers la périphérie, étude d’un phénomène
China and the environment: from the centre to its outer reaches; study of a phenomenon
How can one encourage and sustain economic development without compromising efforts to protect the environment? How can the dynamics of a forward-looking centralised administration be maintained without abandoning the fringes of a multi-faceted society? China must achieve long-term industrial and social development if solidarity and stability are to be sustained.
Maintenir une croissance économique forte a été la priorité de l’État-parti chinois pendant près de trente ans (1). Plusieurs défis n’ont cessé de se poser : une crise écologique sans précédent, des tensions sociales liées notamment à une répartition de la terre et des richesses, et une stratégie internationale qui s’apparente à un exercice d’équilibriste. Les dirigeants chinois ont dû articuler au mieux les interdépendances énergétiques et industrielles (la fameuse équation terres rares contre hydrocarbures ou biens manufacturiers) (2) avec des problèmes internes (chômage, santé, éducation). Difficultés ne pouvant être surmontées sans une politique ambitieuse en matière de Recherche et Développement (R&D) et une coopération accrue au niveau international, à commencer par les pays géographiquement les plus proches de la Chine. Le 28 juillet 2005, la Chine et cinq autres États de l’Asie et du Pacifique (Japon, Corée-Sud, Inde, Australie et États-Unis) adhéraient à Vientiane (Laos) à un nouvel accord de partenariat sur l’environnement. Développement de partenariat dans le domaine des technologies vertes, réduction de la pollution, sécurité de l’énergie et veille quant au changement climatique constituaient les fondements de cet accord. Qu’en est-il, six ans plus tard, et surtout au lendemain de la catastrophe nucléaire de Sendai (Japon) dont l’impact sur la réflexion qui était jusqu’alors menée sur le triple rapport sécurité-stratégie-écologie, dans cette partie du monde, va s’en trouver définitivement bouleversée ?
Tenter d’y répondre reviendrait à souligner l’inadéquation entre le discours des dirigeants politiques et la réalité du terrain. Pourtant, les dirigeants sont bien conscients de l’état catastrophique des cours d’eau, de la pollution massive des côtes, de l’érosion des terres, saccagées par des décennies de déboisement et de développement sauvage, tandis que les statistiques officielles leur rappellent sans cesse la dégradation régulière de la qualité de l’air dans la plupart des grandes villes chinoises. Ainsi, Pan Yue, vice-directeur de l’Agence nationale pour la protection de l’environnement, tient depuis plusieurs années un discours sans concession qui pointe les responsabilités à tous les niveaux, égratignant au passage, et non sans raison, le modèle de développement occidental. Ses communications qui tranchent par leur franchise s’inspirent de la pensée « éco-socialiste » développée par le parti des « Verts » en Allemagne, dont certaines idées sont en phase avec la doctrine de Hu Jintao et Wen Jiabao. Xi Jinping — qui incarne la nouvelle direction du Parti et dont le pouvoir lui sera officiellement échu à partir de 2012 — devra relever un double défi : poursuivre l’amélioration du système industriel de son pays et le rendre propre, sous peine de devoir provoquer de nouvelles tensions régionales.
Politique globale et logique de développement national
« Si la Chine diminue ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 10 à 20 %, elle décroît son PIB de 2 % et inversement, lorsque le PIB per capita s’accroît de 5,1 %, les émissions de GES augmentent de 1,3 % » (3). Le maintien de la croissance signifie l’accroissement, en valeur absolue, des émissions de GES. Le découplage de la croissance des richesses et des émissions de GES nécessite une diffusion massive de technologie propre dont les Véhicules électriques (VE) et les Véhicules hybrides (VH). L’innovation technologique est ainsi au cœur du programme politique ambitionné par Pékin. Cette politique est d’autant plus urgente que la Chine ne possède pas les atouts lui permettant de se développer d’une manière autonome. Elle peut, certes, être tentée par l’achat ou l’exploitation de terres étrangères (Afrique subsaharienne, Kazakhstan…), mais elle ne possède ni les ressources agricoles ni les hydrocarbures lui permettant de cultiver, sur la longue durée, un nationalisme économique. Au reste, la véritable supériorité stratégique repose moins sur la possession de territoires ou le contrôle des matières premières que sur la maîtrise des technologies et l’instrumentalisation des dépendances. Prêter assistance au Japon sinistré n’est pas seulement un gage d’honorabilité internationale. C’est aussi un levier stratégique. Créer une interdépendance, en instrumentaliser les moyens, revient à établir une stratégie sur le long terme : convaincre notamment les investisseurs nippons et étrangers qu’il est plus sûr d’investir dans le développement durable en Chine qu’au Japon. Tactiquement, il s’agit pour Pékin de rassurer l’opinion chinoise sur le sort de ses propres ressortissants exposés aux risques d’irradiation dans la région de Sendai et d’apaiser ainsi les relations avec Tokyo. Ces relations avaient connu, en septembre 2010, un regain de tension à la suite de l’arrestation d’un capitaine de navire chinois dans la région insulaire et controversée des Diaoyu ; arrestation qui avait provoqué la décision, côté chinois, de réduire de 35 % l’exportation des terres rares.
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