Pour renforcer son influence tout en veillant à son image, la Chine pratique une stratégie modérée de puissance douce associée à une politique de société harmonieuse. Cette posture globale est destinée, en attendant mieux, à lui permettre d’abord d’occuper la place en Asie du Sud-Est mais aussi au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et en Afrique.
Le soft power chinois : du concept à la réalité
Chinese soft power: from concept to reality
To expand its influence without damaging its image, China is following a restrained ‘soft power’ strategy alongside a policy intended to promote a harmonious society. While waiting for something better to come along, the aim of this overall posture is primarily to give it a foothold not only in Southeast Asia but also in the Middle East, South America and Africa
La Chine sera dans moins d’une génération la première puissance économique mondiale. Les implications de cette montée en puissance sont multiples ; elles nous invitent notamment à nous interroger sur la possible affirmation d’un modèle chinois, un « consensus de Pékin » qui viendrait concurrencer le consensus de Washington. Or, pour que ce modèle s’impose sur le long terme, la Chine doit offrir un visage acceptable, voire bienveillant. Cette nécessité est bien comprise à Pékin et le régime déploie depuis le début du XXIe siècle des efforts considérables visant à adoucir son image. La Chine s’investit ainsi dans son soft power, à coups de défense du multilatéralisme, d’aide humanitaire, de projets en faveur de l’environnement. Mais elle investit surtout beaucoup, par le biais de sommes pharaoniques dépensées dans le développement d’infrastructures à l’étranger, la mise en place d’un gigantesque réseau faisant la promotion de la culture chinoise ou encore l’organisation d’événements que seul l’Empire du milieu semble aujourd’hui capable de financer et d’assumer. Tout cela est fait pour offrir un nouveau visage de la Chine au monde. Des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 à l’exposition universelle de Shanghai en 2010, l’opération « grande séduction » est en marche.
Les solides arguments de la Chine
Si la Chine veut devenir une puissance globale, et pas seulement économique, elle se doit d’être perçue comme un élément stabilisant des relations internationales. Pour ce faire, elle cherche à soigner son image en mettant en avant un modèle de développement qui lui est propre et propose des réponses à des problèmes tels que la pauvreté et l’environnement. Mais c’est surtout son discours qualifié de Sud-Sud, en direction des pays en développement, qui assure actuellement le succès de ce soft power chinois. Cette stratégie au départ essentiellement destinée aux Chinois eux-mêmes, et ayant pour objectif de restaurer un sentiment de fierté nationale, s’exporte ainsi désormais à l’étranger. Le soft power fut ainsi originellement pensé en parallèle avec le concept de société harmonieuse et ce n’est qu’au cours des dernières années qu’il s’est tourné vers le reste du monde, imposant de multiples réflexions sur l’affirmation d’un consensus de Pékin, même si celui-ci est encore nié à Pékin.
De nombreux observateurs chinois, y compris dans les milieux militaires, recommandent d’accorder la priorité au développement de l’économie et des stratégies d’influence de Pékin, en jouant notamment sur l’importance des diasporas. Prenant ainsi à contre-courant les développements militaires aux États-Unis, la Chine semble s’orienter en priorité vers un développement dans d’autres secteurs, sans pour autant renoncer à ses ambitions territoriales, qui demeurent pour l’heure régionales, le reste appartenant au domaine de l’économie et des échanges commerciaux. Cette stratégie officielle de soft power, depuis le XVIIe Congrès du parti en 2007, se fait à l’aide de moyens inédits jusqu’alors, avec le soutien des pouvoirs publics et dans des domaines extrêmement variés. Car la Chine a des arguments de poids à faire valoir en matière de soft power : une histoire plurimillénaire, une culture raffinée et capable de rivaliser avec l’Occident et une démographie active qui lui permet de disposer de relais aux quatre coins du monde. Cependant, s’agissant de politique internationale, il ne suffit pas de se reposer sur ses acquis, si impressionnants soient-ils. Pékin a ainsi choisi de mettre son potentiel au service de ses ambitions. D’un point de vue quantitatif, la Chine dispose de beaux atouts pour séduire le monde et elle en fait usage.
Il reste 71 % de l'article à lire
Plan de l'article