Billet - Papy est une ordure
À la fin de l’an passé est née une petite querelle, petite en son écho, énorme en son objet. Il fallait, pour la connaître, naviguer dans les blogs, écrits immatériels rédigés par des zombies à l’intention d’autres zombies, immatériels aussi. Lecteur-zombie à mes heures, j’appris d’abord qu’il existait en France une Académie des sciences d’outre-mer. Elle est héritière de l’Académie des sciences coloniales, rebaptisée en temps utile comme le fut l’armée coloniale. On peut l’imaginer studieuse, peuplée de vieux bougres évoquant leurs souvenirs.
Or voici que cette aimable compagnie s’est rendue coupable d’un sacrilège qui l’a exposée au courroux des bons esprits. Ceux-ci, militants au CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France) ou au MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), se sont avisés d’un scandale jusqu’ici bien caché. Ladite académie décerne chaque année quelques prix littéraires. Les fouille-chose susnommés ont découvert que l’un d’eux couronne un auteur célébrant « les aspects positifs de la colonisation française ». Voilà qui est insupportable, d’autant qu’il y a un précédent, et celui-ci fameux. On se souvient que la loi du 23 février 2005, au 2e alinéa de son article 4, prescrivait aux enseignants de présenter à leurs élèves les mêmes aspects positifs, que cette audace avait soulevé une tempête et que Jacques Chirac avait calmé les tempétueux en faisant supprimer l’alinéa obscène. Le désaveu laissait entendre qu’il n’y eut dans nos colonies rien qui fut positif. C’est ainsi qu’il a été entendu et de ce gros mensonge la bonne Académie ex-coloniale fait les frais. Mise en cause par des furieux, elle se serait, dit-on, repentie de son gros péché. Qu’il y ait, dans notre œuvre coloniale, du bon et du mauvais est pourtant une vérité quasi mathématique. Nos gardiens de la vertu républicaine n’en veulent pas : que du malheur ! Encore un peu de temps et quelque loi nouvelle permettra de traîner devant les tribunaux quiconque dira du bien des vieux coureurs de brousse.
- Papy, le prof il a dit que t’avais fait des crim-cont-lumanité. C’est vrai, ça ?
- Bien sûr, Toto, le prof a toujours raison.
- J’le crois pas.
- Tu as tort, Toto, les crimes contre l’humanité, tout le monde en fait aujourd’hui. À commencer par ton prof.