Billet - Monsieur William
Le major William, de l’US Air Force, que tout le monde sur la base appelait Monsieur William, allez savoir pourquoi, trouva à la sortie le taxi qu’il avait commandé. Le chauffeur était visiblement issu de la diversité, bronzé et barbe noire. Le pare-brise de la voiture était agrémenté de la bimbeloterie qu’on voit pendre au rétroviseur des autobus d’Orient et des taxis-brousse africains. « 13e avenue », jeta William au barbu. Une 13e avenue existait-elle à Las Vegas ? William l’ignorait. Pas le chauffeur, qui démarra sans poser de question.
La journée avait été chaude, comme elles le sont toutes au Nevada en été, mais ce qui avait chauffé aujourd’hui, c’était l’écran. Monsieur William avait eu à guider dans les vallées afghanes trois missions de drones Predator, dont deux s’étaient conclues positivement : cibles accrochées, identifiées, détruites. Le flou de l’image ne permettait pas de distinguer les traits des taliban qui couraient dans la nuit asiatique. Ali ou Mohammed, là n’était pas la question. Taliban ils étaient, morts désormais.
Monsieur William n’avait pas envie de rentrer chez lui. « Bonne journée ? », eût demandé Nancy. Lui aurait un peu secoué Edward pour tenter de l’extraire de sa console, l’addiction aux jeux vidéo étant, selon les psys, un grand risque pour les ados. Monsieur William n’avait pas envie de rentrer chez lui. C’est pourquoi il avait choisi de se faire conduire dans la 13e avenue. Quand le taxi y fut, le chauffeur divers se tourna vers Monsieur William et, dans un sourire, lui demanda devant quel numéro il fallait le déposer. Monsieur William, qui n’en savait rien, n’eut pas le temps de répondre. Toujours souriant, le chauffeur avait déclenché la charge. Dans les débris de chair qui grésillaient dans la carcasse fumante, la police ne put distinguer ceux qui provenaient de feu Monsieur William. Personne non plus, au FBI, ne réussit à établir ce qu’allait faire Monsieur William dans la 13e avenue. ♦