Le soutien de la nation à l’action militaire
Le soutien de la nation à l’action militaire
On ne peut que se féliciter de voir des auditeurs du Chem, officiers chevronnés ayant exercé des commandements effectifs et importants, sortir des classiques et ambitieux rapports à la destination hasardeuse et prendre l’initiative de se concentrer sur un sujet précis et bien d’actualité, à propos duquel ils estiment devoir et pouvoir approfondir la réflexion.
Invoquant les cycles de Kondratieff et les appliquant au domaine de la polémologie, les auteurs estiment qu’il n’est que temps de se préoccuper du comportement de nos concitoyens en cas de guerre. Il est bien vrai en effet, et fort banal, de constater que le temps passe vite et que, par exemple, l’évolution entre 1919 et 1939, sur une courte période de vingt ans, incite à la prudence en matière de prévision.
Le soutien de la nation ? Évident dans certaines périodes de notre histoire, il fait sérieusement problème de nos jours et quelques expériences passées poussent à ne pas le considérer comme acquis automatiquement. D’abord pour la bonne raison (mise ici judicieusement en avant) que les perspectives de guerre sont désormais l’objet d’une véritable « évacuation mentale » accentuée par un des effets pervers de la professionnalisation, laquelle éloigne le sujet des pensées du citoyen moyen appelé à évoluer souvent dans des « déserts militaires ». Ainsi la guerre finit par être « délégitimée », y compris dans les discours officiels. Même si l’on tolère que des professionnels partent en Opex, même si les jeunes couches, interrogées, paraissent légèrement plus sensibles aux notions de Patrie et de Défense que leurs aînés de la génération 68, on est bien obligé de conclure au « désarmement moral de la nation ». La difficulté à définir la fameuse « identité nationale », sujet brûlant, et les problèmes non résolus liés à l’immigration ne facilitent pas les choses
Comme il arrive souvent dans ce genre d’exercice, si le diagnostic (posé sur la base de questionnaires et de sondages, d’une valeur certes toujours discutable) est convaincant, les traitements envisagés le sont moins et on se permettra de noter quelques vœux pieux. Oui, la JAPD ne doit pas suffire à se donner bonne conscience. Oui, la culture militaire de nos hommes politiques est « globalement pauvre », mais quelques passages à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) suffiraient-ils à les initier ? Oui, les programmes scolaires doivent être adaptés ; encore faudrait-il convaincre les enseignants… La tentation est alors forte de se replier sur des valeurs sûres, à savoir déléguer aux armées la mission principale en la matière. Or, si ces dernières peuvent donner l’exemple, il ne semble pas que leur rôle doive être celui d’une sorte de clergé prêchant l’adhésion et obligé à la limite de justifier sa présence et son utilité ; pas plus de se spécialiser dans l’encadrement de services civils ou à vocation humanitaire ; encore moins de combler les lacunes de l’éducation familiale et scolaire et de faire découvrir les beautés de la discipline.
Ne prétendons pas que nos quatre mousquetaires attendent trop de leur milieu professionnel. Mais si la nation ne voulait plus « soutenir l’action militaire », ce ne serait pas à l’acteur militaire, qui n’est qu’un moyen, de se charger d’entraîner le soutien. ♦