De quoi fut fait l’Empire – Les guerres coloniales au XIXe siècle
De quoi fut fait l’Empire – Les guerres coloniales au XIXe siècle
Jacques Frémeaux, historien et professeur des universités, est l’un des plus grands spécialistes de l’histoire coloniale. Dans son dernier ouvrage, fruit d’un travail important, il nous livre la première histoire des politiques de conquêtes menées au cours du XIXe siècle par les puissances coloniales. L’objectif de ce livre est de nous faire redécouvrir la période coloniale du XIXe siècle que l’auteur fait débuter en 1830 pour la clore en 1914. Ne se contentant pas de relater l’histoire coloniale propre à chaque puissance, il a choisi d’opter pour une méthode tout autre afin de retracer cette aventure. Jacques Frémeaux a ainsi cherché les caractéristiques communes à cette période et a établi une synthèse permettant d’envisager la globalité des différents enjeux et intérêts de ces guerres coloniales.
Les conflits qui ont eu lieu durant ce siècle ont forgé le monde tel que nous le connaissons actuellement. Il est nécessaire de comprendre d’où l’on vient, d’accepter le passé quels que soient les actes commis alors et que ces derniers deviennent en toute objectivité, qualité essentielle de l’historien, des faits historiques. Le travail effectué par Jacques Frémeaux et son équipe nous fait revivre des moments importants de l’histoire contemporaine. Dans son effort de synthèse, il met en avant les spécificités de cette période et les points communs que l’on peut relever, comme le fait que ce furent le plus souvent des guerres lointaines impliquant la rencontre d’autres peuples, aux cultures différentes. D’où la question souvent délicate de savoir s’il fallait civiliser ces populations… Les difficultés de compréhension de « l’autre », celui qui est différent de nous, furent la cause de nombreux conflits sur lesquels l’auteur revient par la suite dans son ouvrage.
Il détaille l’organisation des forces coloniales, en présentant les différents protagonistes de ces armées ainsi que la logistique employée par celles-ci, de la cavalerie à l’artillerie en passant par l’infanterie et les savoirs technologiques employés à l’époque. Dans un autre chapitre venant introduire l’histoire plus spécifique des guerres coloniales, il étudie l’organisation des armées « ennemies ». La fin de l’ouvrage revient sur les différentes batailles, les stratégies adoptées par les adversaires et engage une réflexion sur les défaites qu’ont pu connaître les armées coloniales. Le dernier chapitre est consacré au poids de la guerre, à la difficulté que les armées ont pu rencontrer, que ce soient concernant les conditions de vie sur place, le financement qui finalement était assez réduit dans la mesure où les généraux étaient incités à vivre sur les ressources du pays. Une évaluation est aussi faite sur les pertes humaines pour toute la durée de cette période : 150 000 par an du côté des colonisés de 1830 à 1914.
En conclusion, Jacques Frémeaux s’interroge sur ce que l’on peut retenir de cette période coloniale. Il parle ainsi de l’indifférence des hommes face à la mort et relève un certain sentiment de pitié à la fois pour ces hommes soumis à la politique coloniale dictée par leurs pays et pour ces populations indigènes qui ont dû supporter un fardeau supplémentaire, celui de la « civilisation ». Enfin en se posant la question de l’utilité de ces guerres coloniales, l’auteur observe l’impact de ces conquêtes sur le monde actuel. Selon lui, elles ont contribué « à diviser le monde entre ‘‘Blancs’’ et ‘‘Indigènes’’, accréditant ainsi une vision raciale du monde » n’existant pas avant, du moins pas au même degré. Pour finir, l’auteur laisse en suspens la question du poids de ces représentations passées à l’heure où l’immigration est de plus en plus forte.
Si l’auteur revient sur des thèmes déjà étudiés dans le passé, son œuvre a le mérite de retracer tous les aspects de cette période coloniale. Cette fresque historique, politique, militaire, diplomatique et culturelle ravira les amateurs d’histoire et les spécialistes des questions coloniales. D’une grande richesse, elle nous permet de redécouvrir une période dont le monde d’aujourd’hui est toujours l’héritier. ♦