Sous les plis du drapeau rouge
Sous les plis du drapeau rouge
Immanquablement présent à toutes les manifestations ouvrières du monde socialiste du XXe siècle, le drapeau rouge a donné lieu à de magistrales représentations artistiques. Depuis la Commune de Paris, en passant par les mouvements syndicaux, jusqu’aux défilés altermondialistes des années 2000, l’étendard rouge porte en lui la marque de la lutte populaire, de l’idéologie, voire de l’idolâtrie. Instrument de propagande par excellence, on constate avec surprise qu’aucun ouvrage à ce jour ne lui soit consacré. Cependant, grâce au travail de Pierre Znamensky, politiste, et Guy Gallice, photographe, c’est désormais chose faite.
Cette superbe édition retraçant l’histoire du communisme en URSS et dans le monde, met en lumière quelque 180 bannières, parfois outil d’endoctrinement pour les grands, parfois expression de la diversité pour les autres, là où l’idéologie pesait comme une chape de plomb sur la société, à la recherche insensée de l’Homme nouveau. Pierre Znamensky et Guy Gallice nous font découvrir la complexité des mutations de cet objet, tant dans ses formes que dans son symbolisme. Il s’agit ainsi d’un travail de recherche iconographique et historique, où chaque période est minutieusement étudiée par le prisme de l’étamine. On est époustouflé par la créativité et le foisonnement d’idées suscités par ce drapeau à la fois universaliste, internationaliste et parfois paradoxalement nationaliste. Les matériaux, les couleurs, les formes, chaque détail est porteur de symbole et de message.
Après ses débuts et son utilisation durant la Révolution d’octobre et la guerre civile, il est récupéré par la communication politique des leaders, lors des premières années de l’Union soviétique. Peu à peu, il fait son apparition dans les usines, les églises, les écoles, les crèches et les mouvements de jeunesse des années 30. Rouge rime alors avec totalitarisme stalinien. Durant la Seconde Guerre mondiale, et ensuite durant la reconstruction, il retrouve sa vocation militaire et patriotique, dans les rangs de l’Armée rouge. Le lien est fort entre l’ouvrier et le soldat, qui obéissent aux mêmes valeurs, arborent les mêmes couleurs, vivent selon les mêmes codes. À partir de 1953-1956, avec la déstalinisation, c’est Staline lui-même qui disparaît des bannières. L’heure n’est plus au culte de la personnalité, mais le rouge ne pâlira plus avant l’effondrement de 1991.
Nous visitons également un atelier de confection, celui de Bykhovsky, où œuvrent sans relâche artisans et artistes inspirés par les plus grands noms de la création plastique, avant de partir pour un tour d’horizon très large, en Bulgarie, Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie, RDA, Chine et au-delà.
C’est donc un ouvrage étonnant et passionnant, qui nous fait découvrir la communication politique d’un régime totalitaire hors norme, et qui nous en dit beaucoup sur la vie à échelle humaine dans le monde communiste au XXe siècle. ♦