L’auteur dresse (en l’espèce) les contradictions du statut international des résistants. Les mouvements de résistance organisés bénéficient parfois, en vertu de l’article 4 A 2 de la 3e Convention de Genève, d’un statut privilégié, celui de combattant régulier. Cependant, devant les obstacles auxquels va se heurter l’application concrète de l’article 4 A 2 précité, les membres des mouvements de résistance ne pourront qu’espérer être placés sous le régime humanitaire minimum de l’article 3 commun aux Conventions de Genève.
La résistance à l’occupant et le droit international
Patriotisme blessé ou fureur irraisonnée contre le conquérant étranger, la résistance à l’occupant est aussi ancienne que le fait même de l’occupation : Napoléon en Espagne, et avant lui Jules César en Gaule et en Bretagne eurent à affronter leurs rebelles-Mais le phénomène semble bien avoir gagné en ampleur à l’époque contemporaine : l’irruption des masses sur la scène politique, la généralisation de fidélités nationales profondément ressenties expliquent seules, par exemple, l’élan de la résistance anti-allemande dans l’Europe de la seconde guerre mondiale. « Acte de la vie sociale » serait-on tenté de dire pour paraphraser Clausewitz, la résistance à l’occupant exprime l’intensité du lien politique dans les nations contemporaines — le recours aux armes, l’effusion de sang apparaissant comme les ultimes moyens de sauvegarder l’intégrité de ce lien politique.
Ce phénomène, le droit international actuel peut-il véritablement le saisir ? Les lois et coutumes de la guerre ont été codifiées dans les années 1899-1907, lors des Conférences de La Haye, par les représentants d’États policés, et elles sont à un double point de vue le produit du XIXe siècle, militariste et formaliste. Militarisme : le recours à la guerre est alors considéré comme un moyen légitime de la politique des États, c’est-à-dire d’entités souveraines, organisées selon les mêmes principes et se réclamant des mêmes valeurs. Le système international du XIXe siècle est homogène ; l’occupation d’un territoire étranger, si elle vient à se produire, apparaîtra dans toute sa netteté comme le résultat d’une confrontation d’État à État. Formalisme : il semble techniquement facile d’isoler, dans la conduite des hostilités, l’individu belligérant ; un statut monolithique du combattant légal apparaît, qui préserve le civil et rejette le hors-la-loi dans les ténèbres. Deux brèches seulement se dessinent dans ce système très sécurisant (au moins pour le législateur militaire). La levée en masse : la population qui prend spontanément les armes à l’approche de l’ennemi est considérée comme belligérante si elle respecte les lois de la guerre ; mais il s’agit de repousser l’invasion — la levée en masse en territoire déjà occupé n’est pas envisagée. Les francs-tireurs, c’est-à-dire les corps volontaires ou auxiliaires n’appartenant pas à l’armée mais ayant reçu du gouvernement une investiture expresse : tels, en 1914, les gardes civiques belges, dûment commissionnés, régulièrement encadrés, et même dotés d’un uniforme — la blouse bleue des patriotes belges de 1830.
Ce cadre général apparaît aujourd’hui passablement suranné. Les données fondamentales sont inversées. La communauté internationale se veut désormais, au moins officiellement, pacifiste : avec l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies, les États ont perdu le droit de recourir à la force. Mais comme les contradictions internationales n’ont pas disparu pour autant, qu’elles se sont même accrues dans la mesure où le système international actuel est hétérogène, les États de chacun des blocs en présence se réclamant de valeurs et étant organisés selon des principes dissemblables, les affrontements armés entre États vont être juridiquement masqués au moyen d’alibis divers : opération de police, légitime défense, intervention sur appel du gouvernement légal. De ce fait, la guerre relation d’État à État tend à s’effacer devant des conflits composés dans lesquels on ne discerne plus toujours la part de l’intervention étrangère et celle de la crise interne. En même temps, les méthodes de lutte ajoutent encore à la difficulté de faire rentrer dans le moule de la guerre légale l’action d’éventuels mouvements de résistance : comment, en effet, au regard de la disproportion des moyens engagés, obtenir des partisans qu’ils adoptent les apparences extérieures d’une armée classique ? Le plus souvent, une telle exigence reviendrait à leur demander de déposer les armes.
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