L'auteur présente la nature et l’évolution des régimes politiques : régimes autoritaires mais fragiles, dont l’avenir est incertain en raison du manque de ressources, du manque d’expérience de souveraineté et défaut des forces armées au service de la nation.
Nature et évolution des régimes politiques
L’évolution des régimes politiques en Asie centrale durant la première décennie d’indépendance qui est en train de s’achever, est assez particulière. D’une part, l’espoir mis par certains dans un engagement, plus ou moins rapide, des nouveaux États sur la voie de la démocratisation s’est avéré tout à fait non fondé et, d’autre part, les craintes suscitées par un embrasement généralisé de la région et la montée des extrémismes paraissent aujourd’hui excessives. Cependant, si dans l’ensemble les systèmes politiques en place se sont consolidés et jouissent d’une stabilité apparente, les facteurs de fragilité persistent et peuvent, à moyen ou à long terme, menacer les structures politiques existantes. D’un certain point de vue, l’évolution que connaissent les régimes politiques d’Asie centrale, comme ceux de Transcaucasie, rappelle celle des États d’Asie et d’Afrique après les indépendances. Dans une autre perspective, cette évolution est aussi comparable, sur de nombreux points, à ce qui se passe dans d’autres États issus du démembrement de l’Union soviétique. Cependant, malgré ces ressemblances, l’évolution des républiques d’Asie centrale est conditionnée à la fois par des contraintes géo-historiques propres à l’ensemble de la région et des facteurs particuliers existant dans chacun des cinq États.
En Asie centrale, la transition politique s’est déroulée, dans la pratique, bien plus comme une tentative de sortie du modèle politique soviétique — dans le but de l’édification d’une souveraineté nationale — que toute autre chose. On se trouve donc ici en présence d’une évolution qui n’est pas nécessairement le passage du totalitarisme à la démocratie, mais plutôt le passage du totalitarisme à un autoritarisme ou un semi-autoritarisme pour cause de construction nationale ; ce qui a l’avantage de permettre aux dirigeants de faire l’impasse, du moins pour un temps, sur la démocratisation. D’emblée, la nature des régimes qui se mettent en place se précise. D’ailleurs, un certain nombre de chefs d’État d’Asie centrale ne cachent pas le caractère autoritaire de leur régime et le justifient par la nécessité d’un temps de transition, d’une phase intermédiaire de stabilité, avant l’engagement dans un processus de démocratisation (1). Dans cette perspective, la « transition » ne correspond donc pas véritablement à une « rupture ». Pour des raisons que nous allons examiner plus loin, la transition ici, plus qu’ailleurs sans doute, doit être analysée en termes de continuité et de changement et non de fracture brusque, de coupure. En effet, plusieurs données bien concrètes nous renvoient à la continuité en même temps qu’existent des signes bien réels de changement.
Quelle continuité ?
La continuité par rapport au passé est évidente sur le plan territorial. Du point de vue politique, elle est assurée par la conservation du pouvoir entre les mains des mêmes élites, qui étaient déjà aux commandes avant l’indépendance. Quant à l’administration et à la bureaucratie, même si les cadres ont changé, elles fonctionnent presque entièrement de la même manière qu’à l’époque soviétique.
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