L'auteur évoque, avec beaucoup d'originalité, le statut de l'Afghanistan et ses implications sur l'Asie centrale.
Le statut de l'Afghanistan sur la scène internationale et ses implications pour l'Asie centrale
Dans les années 80, les moudjahiddin afghans étaient des combattants de la liberté (freedom fighters) que les pays occidentaux soutenaient dans leur lutte contre l’occupant soviétique. Le soutien idéologique et matériel des Occidentaux a progressivement disparu avec le retrait soviétique en 1989, puis la chute du régime de Kaboul trois ans plus tard. La prise de la capitale par les taliban en 1996 a marqué le début d’une dégradation rapide des relations entre le nouveau régime et les pays occidentaux. L’Afghanistan est aujourd’hui un État paria, soumis aux sanctions des Nations unies.
La nature du régime taliban explique-t-elle sa marginalisation sur la scène internationale ? Pour répondre à cette question, il faut analyser ce mouvement à partir des informations disponibles, qui sont rares et incomplètes. Deux types d’analyses se sont révélées fausses. D’une part, le mouvement taliban n’est pas un simple instrument aux mains du Pakistan. En effet, des divergences sont apparues fréquemment entre les Taliban et le gouvernement pakistanais. À cet égard, on peut citer la prise d’Hérat en 1995, opération que les Pakistanais ne soutenaient pas initialement. De même, Islamabad a vu l’exécution de l’ancien président afghan, Nadjiboullah, comme une erreur politique. Enfin, les Pakistanais n’ont pas cautionné la destruction des bouddhas de Bamyian.
La seconde erreur est de percevoir les Taliban comme une « revanche des Pachtounes » sur les autres ethnies. Il existe en effet une différence fondamentale entre les Pachtounes aujourd’hui au pouvoir, et les anciennes élites royales. L’aristocratie pachtoune qui avait une place importante dans le système politique a cédé la place à un régime clérical dont l’élite est d’origine paysanne. De plus, les Taliban n’ont en rien une politique nationaliste pachtoune. Ils s’appuient sur des réseaux locaux de solidarité et imposent la présence du pouvoir central en jouant des divisions locales. La divergence entre les Afghans s’exprime dans toute sa force lorsqu’on examine les biographies de Mollah Omar et du commandant Massoud. D’une part, Mollah Omar est un fondamentaliste religieux, d’origine rurale, « pashtounophone », sans éducation autre que celle reçue dans une madrassa privée. D’autre part, Massoud est de famille bourgeoise, « persanophone », il a étudié dans l’enseignement supérieur, représente une idéologie islamiste moderniste. L’opposition actuelle en Afghanistan est donc, de façon déterminante, un conflit social et idéologique, plus que communautaire.
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