Gendarmerie - La gendarmerie et le droit à la sécurité
« Tout citoyen, toute personne, vivant sur le territoire de la république a droit à la sécurité. Il ne peut y avoir des quartiers sûrs et des zones de non-droit. Il y va de la solidité du lien social. Le gouvernement a la ferme volonté d’assurer l’égalité des citoyens devant le droit à la sécurité. (…) Il n’y a pas de choix entre la liberté et la sécurité. Il n’y a pas de liberté possible sans sécurité » : c’est par cette déclaration de principes que le Premier ministre, Lionel Jospin, a ouvert le colloque « Des villes sûres pour des citoyens libres », organisé par le ministère de l’Intérieur, les 24 et 25 octobre 1997 à Villepinte. Phénomène de société inscrit, à partir de la fin des années 70, sur l’agenda politique, et objet, depuis des lustres, de débats idéologiques et autres controverses passionnelles, la sécurité n’en demeure pas moins, et sans même faire référence à la sempiternelle idée de contrat social, une priorité consubstantielle au pouvoir d’État.
En se plaçant dans le domaine des droits fondamentaux de la personne, la sécurité s’impose, presque naturellement, comme un droit individuel et collectif, comme une exigence civique dans toute société politiquement organisée, par référence au texte de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». Contrairement à ce qu’il est généralement possible d’entendre ou de lire çà et là, la « sûreté » n’est pas, ici, synonyme de « sécurité » : elle exprime une conception politico-juridique de la sécurité, puisqu’il s’agit de reconnaître la protection par la règle de droit du citoyen face au(x) pouvoir(s), ce qui se traduit, dans les libertés publiques, par le droit pour chacun de n’être ni arrêté ni détenu arbitrairement. En fait, la sécurité des personnes et des biens s’inscrit, plus largement, dans l’idée même de « conservation des droits de l’homme », qui légitime l’existence d’une « force publique » (article 12). Compétence régalienne originelle et exclusive, la sécurité conditionne, il est vrai, l’exercice effectif de l’ensemble des droits et libertés que la collectivité peut reconnaître à l’individu. Il ne souffre d’aucune contestation que, comme a pu l’indiquer le Premier ministre, « un citoyen dont la sécurité n’est pas assurée ne peut exercer son droit à la liberté ». Aussi peut-on être fondé à recourir à l’expression de « zones de non-droit » pour qualifier, stigmatiser ces parcelles urbaines du territoire national dans lesquelles la puissance publique ne parvient désespérément pas, avec ses procédés et moyens ordinaires, sinon à garantir, au moins à imposer une sécurité qui se conjugue forcément avec un ordre public, émanation normative et matérielle de l’État de droit. Au-delà de la multiplication des incivilités (dégradations et nuisances diverses) et de la diffusion dans la société française d’un profond sentiment d’insécurité, certains indicateurs, comme la faiblesse des taux de suites judiciaires (79 % des affaires transmises aux parquets n’ont pas de suites) et de résultats obtenus par les services de police (seulement 8 % pour les cambriolages), ne peuvent que s’imposer aux gouvernants, aux agents publics, aux citoyens par une nécessaire réponse à l’insécurité objective et ressentie.
Cette reconnaissance solennelle du droit à la sécurité a pour ambition principale de mobiliser davantage les différents acteurs de la sécurité, grâce à un effort de clarification, de coordination et de rationalisation. La gendarmerie, force publique de proximité, se trouve, bien évidemment, concernée par cette volonté de s’opposer efficacement à une insécurité qui mine, en tout temps, les fondements, les rouages de l’organisation sociale, même s’il va de soi qu’il ne peut exister de réponses uniquement policières à ce phénomène complexe indissolublement lié à ces fléaux que représentent le chômage, l’exclusion, la toxicomanie, l’échec scolaire, la crise de l’intégration, la disparition des valeurs civiques et la défaillance des structures de socialisation.
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