Les armes atomiques font aujourd’hui partie de l’arsenal militaire. On peut même affirmer que la puissance des deux blocs en présence dépend essentiellement de leur potentiel atomique et se calcule désormais d’après le nombre de bombes stockées et la capacité de production. C’est la raison pour laquelle les militaires réclament, de leurs gouvernements respectifs, ces moyens nouveaux qui surclassent de loin tous les armements classiques.

La puissance de destruction des bombes atomiques est telle, qu’elle fait passer ceux-ci loin à l’arrière-plan et qu’elle modifie les conceptions tactiques et stratégiques jusqu’ici en vigueur. Les effets immédiats de souffle et de chaleur équivalents à 20.000 tonnes d’explosif ordinaire pour une bombe A et à 10.000.000 de tonnes pour une bombe H, auxquels il faut ajouter des effets radioactifs instantanés et résiduels. En ne faisant état que des premiers, on constate qu’une « modeste » bombe atomique de 20 k. t. correspond à plusieurs milliers de bombes d’aviation classiques et à une centaine de milliers d’obus d’artillerie de moyen calibre. Quant au prix de revient, non pas du projectile sortant de l’usine mais du projectile « rendu » sur l’objectif, il n’est pas de comparaison possible : une bombe A ou H produite en série reviendrait à environ 400 millions de francs ⁽¹⁾ tandis que 100.000 obus de 155 coûtent 4 milliards ; quant au moyen de transport, la bombe atomique ne nécessite qu’un avion tandis que les milliers de bombes ou d’obus exigent le déploiement et l’entretien de nombreux appareils d’aviation ou de matériels d’artillerie et le concours d’un personnel important.

Ainsi s’explique la décision du gouvernement anglais de procéder à la mise au point et à la fabrication des engins thermonucléaires. Désormais, ces armements ne seront plus l’apanage des deux grandes nations mondiales. Ils vont entrer dans l’arsenal militaire des pays de moyenne importance, puisque la Grande-Bretagne vient de montrer qu’un pays, de l’importance du nôtre sur les plans démographique et économique, est capable de supporter le fardeau des recherches et des fabrications atomiques. Et si l’on en croit le Manchester Guardian les Suédois auraient décidé de doter leurs armées d’armes nucléaires.