États-Unis - La New Strategic Guidance 2012 : ou comment décider dans l’incertitude
Le 5 janvier 2012, le président Obama s’est rendu en personne au Pentagone afin de présenter la « nouvelle revue stratégique », la Revue, aux côtés du Secrétaire à la Défense Leon Panetta et du chef d’état-major Martin Dempsey ; une première dans l’histoire américaine, signe de l’importance de l’enjeu. En politique intérieure tout au moins. Car cet accès de solennité contraste avec la platitude du document présenté.
Sans surprise, les deux principaux enjeux identifiés par la Revue sont la priorité accordée à l’Asie-Pacifique et la rationalisation des forces en raison de la crise économique, mais aussi à la faveur des retraits d’Irak (2011) et d’Afghanistan (2014), et ce, en dépit des incertitudes planant sur l’avenir des deux États. Des décisions majeures sont attendues pour l’ensemble des services. Toutefois, le processus de révision stratégique de la Quadriennal Defense Review (QDR) 2010 lancé par Robert Gates mi-2011, accouche d’un document de seulement 8 pages qui se contente de mettre en perspective les évolutions notoires de la politique de défense américaine depuis lors. Force est de constater que cette revue hiérarchise à peine les priorités et n’opère aucun choix réel dans l’allocation des ressources ; reproche il est vrai couramment émis à l’encontre de la QDR, dont le rôle est précisément de décliner les modalités opérationnelles et ressources afférentes. Reste à analyser dans quelle mesure cette frilosité est due aux échéances électorales, à l’ampleur des problèmes à résoudre, ou bien encore à d’irréductibles incertitudes stratégiques à l’horizon 2020.
L’apport le plus controversé de la Revue fut la fin officielle du dogme des deux conflits régionaux majeurs, au profit d’un nouveau contrat opérationnel fixant pour double objectif une victoire dans un conflit majeur et la capacité de dissuader l’adversaire ou de l’empêcher d’arriver à ses fins dans un autre conflit majeur. La nuance ainsi établie tend à rééquilibrer le débat au profit de la dissuasion lato sensu ; Iran et Chine viennent d’emblée à l’esprit. Toutefois, en se cantonnant à un niveau conceptuel, la Revue n’apporte aucune contribution significative à la définition de la structure des forces, qui reste pourtant l’objectif principal d’un contrat opérationnel. Une variante explorée par Michael O'Hanlon aurait mérité d’être reprise pour sa cohérence, d’autant qu’elle aboutissait à certaines recommandations similaires et s’appuyait sur des chiffres largement évoqués depuis un an (1). L’auteur plaidait pour le format « 1+2 » concernant les forces terrestres, à savoir un conflit régional majeur (MRC) et deux conflits moyens prolongés ; un format potentiellement aussi exigeant mais davantage pertinent au plan organisationnel que l’ancien format des deux MRC. O’Hanlon insistait sur certains besoins (alliances, transport stratégique, dissuasion « lato sensu ») et sur le rôle de la Garde nationale et de la Réserve (point repris dans la Revue). Il préconisait une réduction de 15 % des effectifs de l’Army et des Marines, soit un retour au niveau de la décennie 1990 (450 000 soldats de l’Army et 160 000 Marines) et 20 Brigade Combat Team déployées (il y en a 12 en Afghanistan actuellement) avec une capacité de montée en puissance à 25 à 30 BCT au besoin.
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