Les récentes déclarations du roi Léopold III, au sujet de l’attitude nouvelle que la Belgique aurait décidé de prendre sur l’échiquier de la politique européenne, ont provoqué dans l’opinion française une vive émotion. Indépendamment du trouble, en quelque sorte sentimental, et des préoccupations d’ordre diplomatiques que comporterait pour notre pays un changement aussi important de la situation extérieure, la France s’inquiète de savoir si, et dans quelle mesure, cet événement risquerait d’affecter sa propre sécurité.

Les vicissitudes de l’Histoire ne nous ont que trop appris que la défense de notre frontière du Nord — de beaucoup la plus vulnérable — fut de tout temps affectée directement par la situation militaire dans les Pays-Bas. Nous ne saurions oublier, notamment, qu’il a suffit en 1914 d’un revers près de Charleroi pour que l’armée allemande parût aux portes de Paris. D’autre part, les progrès accomplis chaque jour, en fait de puissance et de vitesse, par certains moyens de guerre terrestres et aériens ne cessent d’aggraver cette faiblesse géographique. Paris est à trois heures d’auto et à quarante minutes d’avion de la frontière franco-belge.

La Belgique présente donc, aujourd’hui plus en encore qu’autrefois, tous les caractères d’une « base de départ » extrêmement avantageuse pour un agresseur qui viserait à atteindre le cœur de notre pays. Quelles que doivent être, dans le présent et dans l’avenir, les conjonctures diplomatiques, notre politique de guerre ne saurait accepter la perspective de laisser l’adversaire germanique déployer ses armées d’invasion et installer ses bases aériennes aux portes de Dunkerque, de Lille et de Maubeuge.