Défense dans le monde - Le programme de modernisation des forces nucléaires stratégiques aux États-Unis
L’arsenal nucléaire stratégique américain comprend 3 composantes :
– une composante terrestre avec des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) ;
– une composante navale avec des missiles balistiques lancés de sous-marins (SLBM) et des missiles de croisière lancés de sous-marins ou de bâtiments de surface (SLCM) ;
– une composante aérienne avec des bombardiers transportant des bombes nucléaires, des missiles air-sol nucléaires et des missiles de croisière (ALCM).
La modernisation de cet arsenal se poursuit depuis plusieurs années malgré quelques incertitudes concernant l’ampleur des programmes initialement prévus. Les différents projets en cours de réalisation, en développement ou à l’étude seront brièvement examinés dans cet article.
La composante terrestre
Le plan de modernisation de la composante terrestre stratégique prévoit le déploiement de 100 MX, à partir de décembre 1986 jusqu’à fin 1989, dans les silos existants, mais renforcés de Minuteman III (le durcissement actuel des silos, 140 bars, serait multiplié par 50 pour atteindre 7 000 bars). Le site de déploiement choisi est la base aérienne de Warren ; 69 silos sont situés dans le Wyoming et les 31 autres dans le Nebraska.
Bien que la fabrication de 42 MX ait été accordée par le Congrès au titre des années fiscales 1984 (21 missiles) et 1985 (21 missiles), ce programme suscite maintes controverses depuis 10 ans, ses détracteurs lui reprochant notamment sa vulnérabilité face à une 1re frappe soviétique. Pour lever ces réticences, l’administration américaine a récemment proposé de limiter temporairement à 50 le nombre des MX déployés, et de n’en demander donc que 12 au titre de l’année fiscale 1986, au lieu des 48 prévus. La reprise du programme initial de déploiement de 100 MX pourra cependant être ultérieurement envisagée en fonction de l’évolution des négociations avec l’URSS.
Afin d’améliorer l’aptitude à la survie de la composante ICBM américaine, la commission Scowcroft en avril 1983 a recommandé le concept d’un nouvel ICBM de petites dimensions (SICBM), très mobile et à charge militaire unique qui, déployé en grand nombre, viendrait en complément du MX. Le 1er essai en vol du SICBM pourrait intervenir fin 1988 et la capacité opérationnelle initiale se situer fin 1992-début 1993.
Trois modes d’installation sont envisagés : déploiement sur des lanceurs durcis mobiles, en silos durcis ou en silos superdurcis enfouis à de grandes profondeurs. La décision définitive concernant l’option de déploiement retenue sera prise en octobre 1986, après achèvement des études techniques, opérationnelles et de l’environnement. L’armée de l’air américaine en mai 1985 a procédé au choix des 46 sites (situés dans 9 États et essentiellement les zones les moins peuplées de l’ouest) qui accueilleront les SICBM.
La composante navale
Le Lockheed Trident I C4 qui équipe déjà 12 SNLE (Sous-marin nucléaire lanceur d’engins) Poseidon à 16 tubes et 6 SNLE de General Dynamics de la classe Ohio à 24 tubes continuera à être déployé jusqu’en 1988 sur 2 autres SNLE Ohio. À partir de fin 1988 le nouvel SLBM Trident II D5, à capacité antisilo sera mis en œuvre sur le 9e SNLE Ohio, puis sur les suivants.
Le Trident II (8 à 14 têtes nucléaires de 300 à 475 kilotonnes chacune selon l’option choisie, portée 11 000 kilomètres, ECP de 120 à 150 mètres) effectuera son 1er essai en vol depuis le sol en juillet 1987, puis son 1er tir à partir d’un sous-marin Ohio en mars 1989. La capacité opérationnelle initiale du système Trident II/Ohio interviendra en décembre 1989.
Le Congrès a jusqu’ici autorisé l’acquisition de 12 SNLE Ohio, un 13e sera demandé au titre de l’année fiscale 1986 par la marine américaine qui voudrait, semble-t-il, disposer de 20 sous-marins Ohio en l’an 2000. La mise en service de ces SNLE devra cependant à partir du 7e (dont le lancement est prévu pour la fin de l’année 1985) s’assortir du démantèlement de SNLE Poseidon plus anciens afin de respecter les plafonds de lanceurs mirvés introduits par les Accords SALT II (1 200 missiles, soit pour les États-Unis 550 ICBM et 650 SLBM).
Le TLAM/N, missile de croisière à objectif terrestre et charge nucléaire est une des 3 versions du SLCM Tomahawk, les deux autres étant à charge conventionnelle mer-sol (BGM-109C) et mer-mer (BGM-109B). Ce système permet d’étendre aux sous-marins et aux bâtiments de surface la capacité nucléaire tactique jusqu’à présent dévolue aux porte-avions.
Quelques exemplaires du TLAM/N sont installés depuis juin 1984 sur des sous-marins d’attaque sans, semble-t-il, avoir atteint leur pleine capacité opérationnelle, le Congrès ayant en effet demandé la suspension d’un tel déploiement tant que l’URSS n’aurait pas mis en service un système similaire.
Il est toutefois probable qu’une partie des 183 plateformes navales (101 SNA et 82 bâtiments de surface) qui d’ici 1995 accueilleront les diverses variantes du Tomahawk, disposeront de missiles à charge nucléaire, sans que l’on puisse cependant les discerner. Le programme d’acquisition comporte 3 994 missiles, dont 758 à charge nucléaire.
La composante aérienne
L’ALCM Boeing AGM-86B opérationnel depuis décembre 1982 équipe 5 escadrons de B-52G (16 avions par escadron, 12 ALCM sous voilure par avion). Un 6e et dernier escadron de B-52G sera déployé fin 1985. Jusqu’en 1988 les B-52G seront utilisés en missions de pénétration et de stand-off (tir à distance de sécurité) puis seront progressivement retirés du service entre 1990 et 1993. À partir de 1985-1986, 96 B-52H seront à leur tour dotés d’ALCM (12 sous voilure et 8 en soute) et resteront opérationnels jusqu’en 1994 (pénétration et stand-off).
Le 1er B-1B Lancer a été livré le 26 juin 1985 dernier à l’armée de l’air, sur la base de Dyess. Le 1er Escadron de 14 B-1B, correspondant à la capacité opérationnelle initiale, sera opérationnel en septembre 1986. Le 100e et dernier exemplaire du programme sera livré courant 1988.
Le B-1B pourra transporter :
– 22 ALCM en mission stand-off (14 à l’extérieur et 8 en soute) ;
– 16 bombes et 8 SRAM en mission de pénétration ;
– 8 ALCM, 4 bombes et 4 SRAM en mission de tir et pénétration.
Pour succéder au B-1B, construit à partir de technologies datant des années 1970, l’armée de l’air souhaite développer un nouveau bombardier bénéficiant des recherches stealth qui le rendraient pratiquement indétectable. Déployé à partir de 1993, ce bombardier serait susceptible de pénétrer les défenses adverses jusqu’au début du XXIe siècle.
Deux projets sont en compétition sans qu’aucune décision n’ait pour l’instant été prise : le B-1C de Rockwell qui correspond à une version modifiée du B-1B avec intégration des technologies de réduction de la signature radar, et un projet entièrement nouveau de Northrop (constructeur en aéronautique fondé en 1927, deviendra Nothrop Grumman Corporation suite à sa fusion avec Grumman en 1994), qui serait du type aile volante.
Le premier prototype de l’ATB devrait voler en 1987 et l’armée de l’air estime ses besoins à 130 exemplaires.
Un nouvel ALCM, l’ACM (Advanced Cruise Missile) devrait succéder à l’AGM-86B et s’en distinguera par une portée supérieure (4 800 km au lieu de 2 500), une signature radar et infrarouge réduite, une précision améliorée. L’ACM, qui serait commandé à 1 500 exemplaires, pourrait équiper à partir de 1987-1988 les B-52H et B-1B.
Toutefois pour des raisons de restrictions budgétaires, la Chambre des représentants s’est prononcée en faveur du développement d’une version améliorée de l’actuel ALCM, au détriment du programme ACM. Ce missile qui disposera d’un nouveau moteur et d’équipements de contre-mesures électroniques perfectionnés intéresse l’armée de l’air, mais pour l’instant aucune décision à son sujet n’a été prise.