La défense de la France, indépendante et solidarité
En cette année 1985 où l’on découvre l’Initiative de défense stratégique que le président Reagan avait annoncée deux ans plus tôt, où à la tête de la gérontocratie soviétique apparaît enfin un quinquagénaire, ce qui ne laisse d’ailleurs rien présager de meilleur ou de plus mauvais l’URSS restant telle qu’elle a toujours été, où le terrorisme s’étend de façon inquiétante rejoignant une sorte de guerre sainte alimentée par un certain islam, il était nécessaire que quelqu’un écrivît un ouvrage de synthèse répondant aussi complètement que possible à cette question : et la France, que devient-elle dans cette marmite de Satan ?
Eh bien ! C’est fait, et c’est Andrée Martin-Pannetier, universitaire, docteur en droit, diplômée de sciences politiques, ancienne auditrice de l’Institut des hautes études de défense nationale et du Centre des hautes études de l’armement, professeur en relations internationales, qui a relevé le gant et nous livre le fruit de ses réflexions.
Cet ouvrage est articulé autour de 3 grands thèmes : la France menacée, la France indépendante, la France solidaire. Il est complété par un nombre impressionnant d’annexés, indispensables à la compréhension des différents sujets abordés, mais dont les détails ne pouvaient être insérés dans le texte ; une bibliographie par auteurs et par grands thèmes clôt ce livre.
Tout d’abord, j’estime heureux que ce soit une universitaire qui ait effectué un tel travail de synthèse ; un militaire eut été « trop militaire », un politique « trop politique », un économiste « trop économiste », etc. L’universitaire, par définition, peut (je dit « peut ») avoir une vue plus globale de l’ensemble des problèmes qui se posent actuellement à la France. Et c’est le cas de Mme Martin-Pannetier.
Il n’est pas dans mon propos de reprendre ici toutes les questions que soulève l’auteur dans chacun des thèmes ; je voudrais seulement évoquer quelques idées-forces. Ainsi, après avoir inventorié les différentes menaces, directe (l’URSS) et indirectes (terrorisme, pacifisme, coupure de nos relations maritimes et de nos approvisionnements, etc.), Andrée Martin-Pannetier note que « la France, pas plus qu’un autre pays européen pris individuellement, n’a la capacité financière et technique… de faire face à toutes les menaces » ; d’où la nécessité absolue d’une solidarité occidentale.
La 2e partie, la France indépendante, est d’abord un aperçu très complet de la stratégie nucléaire et bien évidemment de celle de la France, c’est-à-dire de la dissuasion du faible au fort ; et l’auteur ne peut éviter de poser la question qui fait tant parler et tant écrire : « notre dissuasion est-elle toujours crédible ? Et si oui, pour combien de temps ? » D’autre part, la création de la force d’action rapide a-t-elle modifié la doctrine française ? Et de citer les différentes opinions émises.
Cette partie se poursuit par un exposé sur l’organisation de la défense, les moyens, le budget, la défense civile, les responsabilités maritimes mondiales, tour d’horizon précis indispensable au but que s’est fixé l’auteur. Ce second thème s’achève par l’évocation des progrès technologiques, et, naturellement, de l’Initiative de défense stratégique avec la question qui fait la « une » des colloques de cette année : « quelles sont les incidences sur la dissuasion et en particulier sur la dissuasion française ? »
La 3e partie, la France solidaire, même si elle commence curieusement par l’exposé de nos ventes d’armements, précise bien notre position dans le concert des nations, c’est-à-dire essentiellement dans l’Alliance atlantique et dans le « couple » que nous formons avec l’Allemagne. De même, la position de la France dans l’affaire des euromissiles et dans les problèmes de désarmement, nos relations privilégiées avec l’Afrique et nos responsabilités vis-à-vis des Dom/Tom, sont clairement décrites.
Cet ensemble de connaissances, d’événements, de jugements, s’achève (presque) par une conclusion dont le titre s’impose, « sauvegarder la paix », et dont on voudrait bien que ce ne soit pas un vœu pieux ! En tout cas, la dernière phrase résume fort bien ce que doit être la mission de la France : « poursuivre sans relâche le renforcement de sa puissance économique et militaire, dans l’indépendance et la solidarité, y ajouter avec la même fermeté et conviction une contribution majeure à la construction de la paix en Europe et dans le monde, voilà pour la France une nécessité, un devoir et une espérance ».
Je terminerai en estimant que la postface, courte mais très importante – y sont mentionnés en particulier « l’adhésion des Français » et le « courage civique indispensable » – aurait dû s’insérer naturellement dans la conclusion.
En tout cas, voici un livre excellent, dont la lecture s’impose à tous bien sûr, mais surtout aux Français qui ne s’intéressaient pas aux problèmes de défense et qui, d’après les récents sondages, sembleraient désormais désirer en savoir plus sur la France et sa sécurité.