Marine - La Force d'action rapide et la guerre de Crimée - Le convertible, quelles applications pour la Marine ?
La Force d’action rapide (FAR) et la guerre de Crimée
Depuis la fin du dernier conflit mondial l’emploi, en temps de crise ou de guerre, des bâtiments de la marine marchande par les années françaises est couvert par le concept de flotte militaire de complément.
La récente décision de constituer une Force d’action rapide (FAR) pouvant être engagée en Europe mais également outre-mer impose aux Armées de reconsidérer le problème du transport des troupes et de leur matériel dans l’éventualité d’une opération lointaine.
Forte d’environ 47 000 hommes la FAR, lorsque sa constitution aura été achevée, regroupera, outre ses moyens de commandement, d’appui et de soutien, 3 divisions d’infanterie, 1 division légère blindée équipée d’AMX-10RC et de blindés légers, et 1 division aéromobile disposant de 250 hélicoptères.
Il apparaît donc que le concept de flotte militaire de complément doit nécessairement évoluer à la fois pour répondre au besoin en capacité de transport mais surtout pour satisfaire l’exigence de la rapidité. Actuellement la flotte militaire de complément nécessite pour sa mise en œuvre la prise de décisions gouvernementales à caractère très général telles que la mise en garde et la mobilisation.
Une organisation plus souple doit être mise en place. Elle pourrait reposer dans l’avenir sur les concepts complémentaires de Flotte auxiliaire occasionnelle (FAO) et de Flotte maritime de complément (FMC).
La FAO
Elle regrouperait des bâtiments de commerce non militarisés susceptibles d’être placés, dès le temps de paix et sur décision du chef d’état-major des armées, à la disposition des armées pour le soutien des forces : transport opérationnel, soutien logistique et médical des opérations extérieures, etc.
La FMC
Cette flotte, dont la constitution n’interviendrait réellement qu’à un stade élevé de la montée en puissance des forces, regrouperait des moyens des administrations et des navires privés mis à la disposition de la Marine pour des missions spécifiquement militaires : défense maritime du territoire, protection de la navigation commerciale, guerre des mines, etc.
La FAO et la FMC correspondent donc à une capacité de renforcement des moyens de la Marine et des armées.
Il n’est pas inutile de rappeler ici que, dans le seul domaine du transport opérationnel, les moyens lourds de la marine, les Transports de chalands de débarquement (TCD), ont été conçus et leur nombre fixé pour assurer au total le transport et la mise à terre sur une plage non préparée d’un régiment mécanisé soit environ 1 000 hommes et 200 véhicules dont 22 blindés lourds (AMX-30) et 66 blindés légers (AMX-10RC + VAB).
Il est intéressant de rapprocher cette capacité de celle qui fut nécessaire aux Britanniques pour mener à bien la guerre des Malouines. Tout aussi parlant est le rappel du flux logistique qui fut établi entre la France et la Turquie entre 1854 et 1856 lors de la guerre de Crimée, la première opération « moderne » d’action extérieure ayant fait appel sur une aussi grande échelle au transport maritime.
La guerre des Malouines
Cinquante-neuf navires de commerce, appartenant à trente-trois compagnies et représentant 673 000 tonnes, furent requis ou affrétés en particulier pour acheminer sur place 9 000 hommes et 95 aéronefs, 100 000 t de matériel ainsi que 180 000 m3 de pétrole par mois.
La guerre de Crimée
Au cours des 24 mois que dura la campagne de Crimée, de mars 1854 à février 1856, 274 000 hommes furent transportés dont 170 000 par des bâtiments de guerre, ainsi que 13 500 chevaux. Ceci représente un transport mensuel moyen de 11 500h (32 000 en août 1855) et 600 chevaux (2 700 en juillet 1855). Pratiquement tout le ravitaillement en vivres et en matériel fut acheminé de France par voie maritime à la cadence de 300 t par jour !
Pour donner une idée du service assuré par la Marine, il est bon de rappeler que pour compléter les moyens militaires l’intendance dut affréter au cours de la campagne plus de 1 100 voiliers. La comparaison est éloquente. Elle permet de mieux comprendre que les moyens de transport opérationnel de la Marine nationale n’ont pas été conçus et ne pourraient suffire pour des opérations d’envergure outre-mer. Ils pourraient néanmoins être indispensables pour s’assurer, en début d’opérations, d’un port ou d’un aéroport.
Les chiffres impressionnants de la guerre de Crimée ne peuvent que justifier, s’il en était besoin, la réflexion en cours au sein des armées sur ce sujet. Les 4 principales conclusions qui furent à l’époque tirées du déroulement de la guerre de Crimée dans le domaine du transport maritime restent d’actualité :
– pas d’opérations militaires d’envergure outre-mer sans le concours d’une flotte commerciale,
– sauf exception, ce n’est pas à la Marine d’assurer les transports de troupes avec ses bâtiments de guerre,
– l’organisation des transports doit être prévue en temps de paix,
– nécessité d’une excellente coordination interarmées.
Enfin deux enseignements particuliers débouchent sur une réflexion élargie dépassant le transport proprement dit :
– nécessité de prévoir avant le début des opérations, les personnels et matériels nécessaires à l’organisation de bases maritimes,
– nécessité de disposer de navires-hôpitaux.
Le convertible dans la Marine
Mi-avion, mi-hélicoptère le convertible est un aéronef associant la possibilité du vol stationnaire aux capacités de vol à vitesse élevée dans de bonnes conditions de rendement.
Parmi les différentes solutions techniques envisageables, l’une aujourd’hui semble se dégager comme étant à la fois la plus performante et la plus sûre, compte tenu de l’expérience acquise en France et aux États-Unis. C’est celle du convertible à ailes fixes et à rotors basculants. Ceux-ci assurent la sustentation de l’appareil à faible vitesse et basculent de 90° lors des transits à vitesse élevée.
Parmi les missions habituellement confiées à des hélicoptères et en tenant compte de l’évolution de la menace qui crée des besoins nouveaux, 5 applications navales du convertible méritent d’être explorées, sous réserve que les études en cours démontrent l’adéquation des appareils aux bâtiments porteurs destinés à les mettre en œuvre.
La lutte anti-sous-marine
Dans ce domaine, le convertible embarqué pourrait offrir une vitesse et une distance d’intervention très supérieures à celles de l’hélicoptère donnant ainsi au bâtiment de surface de meilleurs atouts face à un sous-marin détecté à grande distance par moyens passifs.
La lutte antinavires
Le convertible pourrait constituer la véritable allonge de détection et d’attaque qui manque aujourd’hui aux forces navales se déplaçant sans porte-avions.
Le transport
Qu’il s’agisse du transport de charges ou de commandos, la vitesse et le rayon d’action du convertible ajoutés à sa manœuvrabilité exceptionnelle et à sa capacité d’emport, pourrait en faire un moyen privilégié du soutien des opérations extérieures sur le lieu de l’action.
Recherche et sauvetage
Pour ce type de mission le critère essentiel, outre la capacité de vol stationnaire, est la zone couverte donc l’autonomie et la vitesse. Le convertible peut donc s’y avérer intéressant.
Le guet avancé
Mission nouvelle pour laquelle à ce jour aucun moyen n’a été défini dans la marine, le guet avancé pourrait être confié au convertible.
En effet le besoin correspond à un aéronef capable de décoller et de se poser sur un bâtiment, doté d’une grande autonomie, d’une vitesse élevée à basse altitude enfin d’une aptitude à voler à haute altitude pendant sa surveillance, toutes qualités correspondant au domaine de vol et aux caractéristiques essentielles attendues du convertible.
Pour ces cinq missions, nous aurons dont peut-être à comparer les rapports coût/efficacité de l’hélicoptère et de l’avion avec celui d’un nouveau rival : le convertible.
Des études sont en cours. Certains résultats conduiront sans aucun doute à écarter l’une ou l’autre des missions évoquées ne serait-ce que pour ne pas multiplier inconsidérément les types d’aéronefs en service dans la Marine. Mais il n’est pas exclu qu’à long terme le convertible trouve une place jusqu’ici inoccupée dans la panoplie des moyens aériens indispensables à la Marine. ♦