Désarmement atomique et énergie pacifique
Depuis dix ans des hommes frappés d’horreur au souvenir d’Hiroshima et de Nagasaki s’efforcent par tous les moyens en leur pouvoir d’obtenir l’interdiction, voire l’abolition des armements atomiques. Parmi eux figurent, par un curieux paradoxe, beaucoup des scientifiques responsables de l’invention de ces armements et même de leurs perfectionnements les plus récents. Il n’apparaît pas clairement que cet effort obstiné en vue d’un désarmement généralisé ait abouti à ce jour à des résultats très significatifs, même sur le simple plan des accords internationaux. Néanmoins on doit louer ceux qui l’accomplissent, car ils s’apparentent à la lignée des hommes de bonne volonté qui, à toutes les époques de l’humanité, poussés par des mobiles variés mais toujours généreux, se sont attachés à mettre un frein aux horreurs de la guerre à défaut d’y apporter un terme. Dans le cas qui nous occupe, une remarque mérite toutefois d’être faite. La plupart des hommes qui s’élèvent avec force contre la fabrication des armes atomiques se comptent aussi parmi ceux qui prônent, semble-t-il, avec le plus de conviction, l’utilisation pacifique de l’énergie atomique et le développement des installations industrielles mettant en œuvre cette nouvelle source d’énergie.
De ces thèses soutenues simultanément et fréquemment par les mêmes personnages, résulte facilement pour l’homme de la rue, dont l’information repose principalement sur les manchettes de la presse quotidienne, l’opinion suivant laquelle existent deux sortes d’énergie atomique, l’une mauvaise et à proscrire, car génératrice de cataclysmes, l’autre excellente et prometteuse d’un âge d’or. Et cependant depuis dix ans on fabrique et expérimente des bombes atomiques ! La présence de ces engins parmi les armements de trois nations est une réalité indubitable. Depuis le même laps de temps on parle des applications pacifiques de l’énergie atomique et plus spécialement de la production à l’échelle industrielle d’énergie électrique. Mais dans ce dernier domaine force nous est bien de constater que le stade de la vérification des hypothèses et des premières tentatives expérimentales n’est pas encore dépassé. Hormis les deux premiers sous-marins américains qui, de l’aveu même de leurs auteurs, ne sont encore que des bancs d’essais, et deux ou trois installations développant à peine quelques milliers de kilowatts chacune, il n’existe dans le monde aucune centrale produisant de l’énergie électrique à une échelle vraiment industrielle et dont le fonctionnement ait été éprouvé. Sur le plan technique, la conquête des moyens de production d’énergie semble beaucoup plus laborieuse que celle des armements. Néanmoins, les perspectives d’avenir paraissent suffisamment certaines pour qu’au récent Congrès International sur l’utilisation de l’Énergie Atomique à des fins pacifiques, les trois Nations les plus en avance dans ce domaine aient fait figure de concurrents en prenant l’aspect de fournisseurs éventuels vis-à-vis des autres pays.
À ce propos la position particulière prise par l’Angleterre et coïncidant avec la disparition de cette puissance en tant qu’exportatrice de charbon, mérite tout spécialement de retenir l’attention. Corrélativement les tentatives faites depuis près de dix ans dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies en vue de limiter et de contrôler la fabrication des armements atomiques, n’ont pu, malgré l’efficacité reconnue de ce grand organisme international et la valeur des hommes qui y siègent, aboutir encore à des résultats très substantiels. Il semble que personne n’ait pensé jusqu’à maintenant à faire un rapprochement entre les échecs successifs des conférences relatives au désarmement atomique et les efforts accomplis par certaines nations pour mettre au point et offrir sur le marché mondial îles générateurs d’énergie utilisant comme source les phénomènes nucléaires.
Il reste 87 % de l'article à lire