Il y a des similitudes entre la crise actuelle autour de la Corée du Nord et de son arme nucléaire et la crise de Cuba, dans la mesure où il y a interaction entre plusieurs acteurs. Cette fois-ci, il ne s’agit plus, outre les États-Unis, de l’URSS mais de la Russie et de la Chine qui ont chacune leurs propres projets stratégiques, instrumentalisant la Corée du Nord. Celle-ci en profite dans la mesure où l’escalade actuelle renforce encore plus sa cohésion intérieure.
Corée du Nord : une nouvelle crise de Cuba (T 929)
North Korea: a new crisis in Cuba
There are similarities between the current crisis around North Korea and its nuclear weapon and the Cuban crisis, to the extent that there is interaction between several actors. Aside from the United States, it is no longer the USSR this time but Russia and China who each have their own strategic projects, instrumentalizing North Korea. This benefits to the extent that the current escalation further strengthens its inner cohesion.
La course à l’armement nucléaire comme à ses vecteurs balistiques et spatiaux dans laquelle s’est résolument engagée la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a longuement attiré un regard relativement incrédule de la part de la communauté internationale quant à ses capacités de réussite. Faits d’avancées technologiques dont il est probable qu’elles soient exogènes, de ratés, d’annonces tonitruantes de succès, de reculs stratégiques obéissant aux volontés des États nucléaires membres du Conseil de sécurité des Nations unies, les programmes nord-coréens sont néanmoins des sinusoïdes à tendance montante. Ils illustrent une attitude séculaire d’isolationnisme et de bellicisme, et depuis 72 ans de réunification de la péninsule, dont l’idée n’a jamais été abandonnée.
Les royaumes de la péninsule coréenne dès le Ve siècle contrôlaient la Mandchourie et la région de l’actuel Vladivostok (cf. Daniel Gomà Pinilla). Toutefois dès le VIIe siècle, l’empire chinois des Tang étendit sa domination jusqu’à Séoul. Même si la dynastie Yuan et plus tard celle, mandchoue, des Qing fixa des frontières avec la Corée, cette dernière était un État tributaire de la Chine, soumis à l’autorité centrale. Issues de la dynastie des Yi ou Chos?n, qui régna de 1392 à 1910, les actuelles Corées du Sud et du Nord, dont la langue commune est considérée par les linguistes comme l’un des rares isolats dans le monde, tombèrent sous le joug impérial japonais en 1895 à l’issue de la guerre sino-japonaise. La victoire japonaise marqua une perte importante du prestige de la dynastie chinoise Qing, qui dût notamment abandonner sa suzeraineté sur la péninsule de Corée. La péninsule a néanmoins su conserver son identité entre ses puissances colonisatrices ou dominantes que furent la Chine et le Japon. Il faut se rappeler que lors de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’annexion japonaise de Corée devint partagée entre l’URSS et les États-Unis autour du 38e parallèle. Ainsi naquirent les deux Corées. Le 9 septembre 1948, voici aujourd’hui 69 années, l’Assemblée populaire suprême proclama la République populaire démocratique de Corée à Pyongyang, dans la partie de la péninsule sous tutelle soviétique. Le 15 août 1948, le Gouvernement militaire de l’armée des États-Unis en Corée laissait la place à la fondation de la République de Corée.
Kim Il-Sung requerra néanmoins l’appui et de Moscou et de Pékin pour déclencher l’invasion de la Corée du Sud en 1950, qui devait mener à ses yeux à la réunification des deux Corées. Dès 1961, la République populaire de Chine reprend plus formellement le chemin de son influence sur la Corée du Nord et de manière concurrente à celle de l’URSS. Après l’avoir fortement soutenue dans son effort de guerre entre 1950 et 1953, la Chine signe ainsi dès 1961 un traité avec cette dernière, renouant avec une tradition multiséculaire de suzeraineté. Cette influence ne s’est que renforcée depuis la disparition de l’URSS en 1991.
Il reste 81 % de l'article à lire