Le 4 octobre 1957 s’ouvrait l’ère de la conquête spatiale avec le lancement, par l’URSS, du premier satellite, Spoutnik 1, dans un contexte de guerre froide. Au delà de l’exploit technique , c’était le début d’une aventure majeure et qui a permis outre d’importantes avancées comme le vol habité, de transformer notre perception de la Terre
Spoutnik, octobre 1957 : 60 ans de conquête spatiale (T 935)
Sputnik, October 1957: 60 years of space conquest
On October 4, 1957 the era of space conquest opened with the launch by the USSR of the first satellite, Sputnik 1, in a cold war context. Beyond the technical feat, it was the beginning of a major adventure that allowed, in addition to important advances such as human flight, to transform our perception of the Earth.
Le lancement, le 4 octobre 1957, du premier satellite artificiel Spoutnik par l’URSS a constitué un événement historique, scientifique, technique et géopolitique majeur dans le contexte de guerre froide de l’époque. Par ce succès historique, Moscou démontrait sa capacité technologique et une réelle supériorité dans ce domaine sur les États-Unis, qui accumulaient les retards et les déboires par faute d’une direction ferme. En décembre 1957, la RDN avait d’ailleurs publié un article de Jean Corbeau intitulé « Aperçus techniques et militaires sur les Spoutniki ». L’impact de Spoutnik a été majeur et a conduit à l’accélération de la course spatiale, culminant avec le 1er vol d’un homme dans l’Espace le 12 avril 1961, le Russe Youri Gagarine, puis le 21 juillet 1969 lorsque Neil Armstrong puis Buzz Aldrin effectuèrent leurs premiers pas sur la Lune.
Ces grandes premières ont alors suscité un intérêt majeur pour l’opinion publique mondiale, passionnée par cette rivalité stratégique et par ces nouveaux héros que constituaient les cosmonautes russes et les astronautes américains. Depuis lors, l’Espace est devenu d’une « banalité déconcertante » alors même que l’usage des satellites conditionne totalement notre vie quotidienne. Le paradoxe est que le vol habité ne suscite plus le même intérêt, d’autant plus qu’il y a eu les catastrophes de Challenger en 1986 puis de Columbia en 2003, rappelant que le risque restait réel. Or, depuis 1961, ce sont 308 vols habités qui ont été effectués permettant de transporter plus de 550 astronautes différents représentant 136 années de présence en orbite et donc de cumuler une expérience particulièrement importante, en particulier sur la physiologie humaine en apesanteur.
La supériorité soviétique a été réelle mais de courte durée et s’achève en fait au moment de la crise des missiles de Cuba en 1962. Après les atermoiements initiaux, les États-Unis ont vite rattrapé leur retard avec la NASA créée le 1er octobre 1958 et qui va très vite se mettre en ordre de marche en lançant, outre le programme Mercury, destiné à satelliser un astronaute, le programme Gemini destiné à maîtriser les techniques du vol spatial avec 12 missions dont 10 habitées puis l’extraordinaire programme Apollo/Saturne V visant la conquête de la Lune.
L’impulsion politique donnée par John Fitzgerald Kennedy a été décisive en mobilisant, au-delà de la NASA, toute l’énergie et le dynamisme américain. La Silicon Valley en est un des résultats. Ce choix stratégique était audacieux mais il a permis aux États-Unis de distancer définitivement l’URSS dans la course à l’Espace, même si Moscou a su conserver de belles capacités dans le domaine spatial, comme le prouve l’emploi de la fusée Soyouz dérivée de la R-7 Semiorka du 4 octobre 1957. La longévité de cet engin – certes très modernisé, avec plus de 1 800 lancements dont 17 depuis la base française de Kourou – traduit la justesse des choix de son concepteur, Sergei Korolev (1907-1966).
Il est intéressant de souligner ici le parallèle à faire entre les voies techniques choisies il y a plus de soixante ans par l’URSS et les États-Unis, et ce qui se passe en Corée du Nord avec le programme de missiles balistiques. La Semiorka est dérivée de missiles balistiques de plus en plus puissants, de même que la fusée américaine Jupiter C ayant permis la satellisation d’Explorer le 1er février 1958.
La Corée du Nord suit le même parcours développant des engins permettant de porter des charges, y compris nucléaires, et éventuellement des satellites de petite taille. À l’inverse, l’Europe à travers la décision prise en 1973 a choisi une voie essentiellement civile avec le programme L3S devenu Ariane et dont le premier vol est intervenu le 24 décembre 1979. En 2020, la 6e génération d’Ariane commencera sa carrière. À ce jour, 247 Ariane (1 à 5) ont été tirées avec 234 succès. La fusée Ariane 5 vient de connaître ainsi son 81e succès consécutif.
Si en 1957, c’est bien la guerre froide qui a accéléré la course à l’Espace, aujourd’hui, alors même que les relations américano-russes ne sont guère chaleureuses, l’Espace habité constitue au contraire un sujet d’entente avec la Station spatiale internationale (ISS) dont le premier module – russe – a été mis en orbite en novembre 1998. D’une part, les Américains sont tributaires du vaisseau Soyouz pour le transport de leurs astronautes depuis le retrait des navettes en juillet 2011. D’autre part, les Russes savent qu’ils n’ont pas les ressources économiques et technologiques pour se lancer dans un programme autonome après 2024, à la fin de l’exploitation de l’ISS. Ainsi, lors du 68e Congrès astronautique international à Adélaïde (Australie) en septembre, la NASA et l’agence spatiale russe Roskosmos ont annoncé le projet d’une station habitée en orbite de la Lune, Deep Space Gareway, d’ici 2024-2026, signe d’une volonté commune de poursuivre l’aventure spatiale. Le futur lanceur lourd américain SLS et le vaisseau spatial Orion seront utilisés pour ce programme. Parallèlement, deux astronautes européens se sont entraînés avec leurs homologues chinois cet été, en vue d’une éventuelle coopération.
En 60 ans, l’Espace s’est imposé comme essentiel à l’activité humaine. Après la phase héroïque – dans un contexte de rivalité stratégique – nous sommes dans une période de transition avec de nouveaux acteurs essentiellement américains et privés. La conquête spatiale se décline en de multiples variantes – de la mission scientifique telle la sonde Cassini sur Saturne – aux vols habités, jusqu’aux usages du quotidien comme le GPS. Qui aurait pu penser le 4 octobre 1957, que soixante après, Russes et Américains, avec d’autres partenaires et notamment européens, travailleraient ensemble en orbite ? ♦