L’ouverture des 23e Jeux olymiques d’hiver s’inscrit dans un calendrier vraiment géostratégique avec une Corée du Nord qui a su instrumentaliser les JO à des fins politiques, obligeant la Corée du Sud mais aussi les États-Unis à un jeu d’équilibre complexe dont personne n’en connaît vraiment l’issue.
JO de PyeongChang : comment Kim Jong-un impose son agenda (T 970)
PyeongChang Olympics: how Kim Jong-un sets his agenda
The opening of the 23rd Winter Olympics is part of a truly geostrategic calendar with a North Korea that has been able to exploit the Olympics for political purposes, forcing South Korea and the United States to play game of complex balance of which no one really knows the outcome.
La décision de Pyongyang de participer aux Jeux olympiques d’hiver de Séoul (du 9 au 25 février) a offert l’occasion inattendue d’une reprise des relations intercoréennes suspendues depuis 2016. Peut-elle mener plus loin ? Largement perçue comme une tentative de déstabilisation de l’Alliance américano-sud-coréenne par la Maison-Blanche, elle se heurte déjà à la multiplication de déclarations comminatoires du vice-président américain Mike Pence qui, en visite à Tokyo le 7 février, évoque la perspective de sanctions les plus dures jamais prises à l’encontre de Pyongyang. Les États-Unis, comme le Japon, ne veulent voir dans la reprise des contacts intercoréens qu’une manœuvre de Kim Jong-un pour reprendre l’initiative diplomatique, gagner du temps et alléger la pression croissante des sanctions. Il est vrai que l’opération de charme du régime nord-coréen lui permettrait de sortir à bon compte de son isolement diplomatique et de normaliser son image internationale en reléguant au second plan son identité d’État nucléaire menaçant. Se rapprocher de Séoul sert également la propagande interne de Pyongyang en jouant sur les ressorts nationalistes de la thématique de l’unité et de la réconciliation de la Nation coréenne. Mais comme toujours quand il s’agit de la géopolitique de la péninsule coréenne, la réalité stratégique se tient au-delà de ces polarisations.
La voie étroite du Président sud-coréen
Construire l’après-JO et faire durer la détente entre les deux Corée au-delà d’un mois repose en grande partie sur la capacité du président sud-coréen Moon Jae-in à gérer ces visions contrastées et à les faire coexister sans être victime de l’instrumentalisation qui en sera faite par les principaux protagonistes. Au demeurant, la politique d’ouverture vers le Nord et les relations intercoréennes ont toujours subi de plein fouet un scepticisme américain et une forme de résistance à laisser Séoul s’engager dans la voie d’une diplomatie autonome avec le Nord. Le pragmatisme de la Sunshine Policy ou politique du « rayon de soleil » lancée en 1998 par le président Kim Dae-jung avait réussi à vaincre les réticences américaines en développant une approche axée sur des projets économiques, culturels et sociaux. Elle avait notamment conduit à la très symbolique participation conjointe des deux Corée aux JO de Sydney à l’été 2000 avec un drapeau créé pour la circonstance et sous lequel les deux délégations devraient défiler à partir du 9 février dès l’ouverture des Jeux de PyeongChang.
On comprend que l’espoir du président Moon est de faciliter l’engagement de discussions sur le dossier nucléaire entre les États-Unis et la Corée du Nord en se servant du véhicule des relations intercoréennes et du contexte de détente créé par la tonalité consensuelle des Jeux. La création d’une équipe commune de hockey n’a pas eu d’autre but que de favoriser et de concrétiser visuellement ce rapprochement. Cet objectif peut tactiquement s’articuler avec les calculs de Kim Jong-un. En effet, on peut estimer qu’après la campagne de tirs intensive conduite en 2017, ce dernier juge son programme suffisamment convaincant au plan opérationnel pour lui permettre de valider le statut d’État nucléaire qu’il revendique. Dans son discours du Nouvel an, il s’est employé à souligner la crédibilité de son outil nucléaire en évoquant les conditions de son usage éventuel. L’allusion au « bouton nucléaire » voulait notamment souligner qu’au-delà de capacités technologiques, il existait une volonté et une rationalité politico-militaire nord-coréenne reposant sur une doctrine d’emploi nucléaire. Celle-ci apparaît à bien des égards classique, avec pour toute ligne rouge une menace contre la souveraineté et les intérêts de la Corée du Nord.
Il reste 62 % de l'article à lire