L’eau est devenue une matière première rare avec de multiples défis à relever face à des besoins croissants et une urbanisation galopante dans des zones souvent marquées par le stress hydrique. Que ce soit avec l’accès à la ressource elle-même ou aux nécessités de l’assainissement dans les mégapoles, l’eau est à la fois une marchandise que certains veulent s’approprier et un bien commun vital pour la vie elle-même.
Eau et énergies : une liaison vitale (2/2) La Géopolitique de l’eau (T 972)
Water and energies: a vital link(2/2) The geopolitics of water
Water has become a rare commodity with multiple challenges to meet growing needs and rampant urbanization in areas often marked by water stress. Whether with access to the resource itself or the need for sanitation in megacities, water is both a commodity that some want to appropriate and a common good vital for life itself.
Voilà l’eau devenue le nouveau pétrole. Cette ressource, longtemps jugée inépuisable et trop facilement gaspillée car gratuite, est devenue maintenant coûteuse et nous ferons bientôt face à une demande insatiable. Les aquifères diminuent, les glaciers fondent et les fleuves ne s’écoulent plus vers la mer. Ainsi, en 1950, chaque habitant disposait de 16 800 m3 de ressources annuelles, mais de 4 800 m3 seulement en 2025. Le changement climatique rendra la situation encore plus sévère. L’année 2017 aura été la plus chaude année jamais enregistrée. La température moyenne a déjà augmenté sur le globe de 1,1 °C depuis l’ère industrielle, ceci se traduira notamment par la multiplicité des sécheresses. Le Centre national de recherche atmosphérique des États-Unis (NCAR) estime que le pourcentage des terres « très sèches » va passer de 10 à 15 % et même au-delà. Chacun doit utiliser moins d’eau afin d’éviter des famines et réduire les migrations massives, sources de perturbations susceptibles d’alimenter conflits ou terrorisme. Maints experts ou publicistes prévoient des guerres de l’eau. D’un autre côté, le pétrole se trouve dans une situation opposée. Durant des décennies les géologues mettaient l’accent sur le fait qu’il s’agissait d’une ressource limitée, en voie de s’épuiser (théorie du peak oïl du géologue Marion King Hubbert). Il était donc considéré comme un actif quasi financier, qu’il convenait de conserver au maximum sous terre afin d’en tirer dans le futur un meilleur profit. Or les producteurs d’or noir ont pris conscience aujourd’hui que toutes leurs réserves enfouies dans leur sous-sol ne seront certainement pas exploitées pour répondre à l’urgence climatique.
Si l’eau est abondante sur notre planète, commence par écrire David Blanchon dans L’Atlas mondial de l’eau, Défendre et partager notre bien commun (1) (3e édition), si 97,5 % de l’eau présente sur Terre est salée, les stocks d’eau douce restent considérables, plus de 40 millions de km3, dont 28 M dans l’inlandsis de l’Antarctique et 2,6 M dans celui du Groenland. Il s’agit de stocks très inégalement répartis et non de flux ; l’essentiel des eaux étant stocké dans les lacs (123 000 km3) et les fleuves (1 300 km3), les eaux souterraines constituant moins de 10 M de km3. 9 pays détiennent plus de 60 % des ressources, parmi lesquels seuls la Russie, le Brésil, le Canada, la Colombie, le RD Congo et l’Indonésie en disposent d’abondantes, les États-Unis d’importantes. À eux deux, les géants démographiques que sont la Chine et l’Inde dont la population devrait atteindre 3 millards d’habitants à l’horizon 2050, ne possèdent que 10 % des ressources mondiales d’eau. Au-delà des ressources, c’est la capacité des États à « produire » de l’eau et à l’acheminer au consommateur là où il faut et quand il faut, qui importe. Sur ces bases a été élaboré un indice de pauvreté en eau (IPE). 18 pays africains, 2 pays arabes du Moyen-Orient et un pays asiatique sont en situation critique. À l’opposé, les pays disposant de l’indice le plus faible de pauvreté sont rares : Canada, Chili, Grande-Bretagne, France, Pays-Bas, Norvège, Suède, Finlande, Suisse, Autriche, République tchèque, Slovaquie, Slovénie et Nouvelle-Zélande (soit 11 en Europe). La viabilité temporelle et spatiale des précipitations, des débits et des zones climatiques explique la diversité, la richesse et la fragilité des milieux aquatiques.
D’un point de vue plus géopolitique, ce qui est intéressant à repérer, c’est la carte des pays en situation de pénurie, c’est-à-dire disposant de moins de 1 000 m3/habitant/an, où l’on trouve tous les pays du Maghreb, du Machrek et de la Péninsule arabique, ainsi que l’Afrique du Sud et le Kenya. Les pays en situation de stress hydrique – entre 1 000 et 1 700 m3/habitant/an – sont ceux d’Asie du Sud (Inde, Pakistan, Bangladesh), une partie de l’Asie centrale, le Nigeria, la Corne de l’Afrique et en Europe, la Pologne et une portion de l’Europe centrale. Mais quasiment les trois-quarts des habitants des pays arabes vivent en dessous du seuil de pénurie fixé en dessous de 1 000 m3, et près de la moitié d’entre eux dans une situation critique sous les 500 m3 ! En dehors de diverses pollutions d’origines agricole, industrielle et urbaine, les risques dûs à l’eau sont constitués surtout par les inondations et les maladies liées à l’eau.
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