La Russie est sévèrement touchée par une mafia qui a durablement infiltré les pouvoirs économiques et politiques. Cette Bravda, loin d’être unifiée, est étroitement liée à l’histoire de l’Union soviétique : de son développement dans l’ombre au début du XXe siècle à son essor massif au milieu des années 1990, au moment où l’URSS s'effondre.
Le crime organisé russe, analyse d’un phénomène transnational (1/2) L’ancrage historique de la mafia rouge (T 973)
Russian organized crime, analysis of a transnational phenomenon(1/2) The historical anchorage of the red mafia
Russia is severely marked by a mafia that has permanently infiltrated economic and political powers. This Bravda, far from being unified, is closely linked to the history of the Soviet Union: from its shady development in the early twentieth century to its massive expansion in the mid-1990s, when the USSR collapses.
Le 13 février 1993, la Pravda titrait « Le crime organisé est le problème n° 1 de la Russie » (cité par Patricia Rawlinson). Les Russes prenaient peu à peu conscience de l’affirmation d’une nouvelle caste de criminels, plus structurée, plus influente et plus impitoyable que toutes les autres formes de délinquance auparavant appréhendées. C’est à cette période, alors que le pays est confronté à un état de « semi-anarchie », que la mafia russe s’impose comme l’une des organisations criminelles les plus puissantes au monde. Celle que l’on nomme la Bratva (« Fraternité » en russe) exploite les failles institutionnelles nées de l’effondrement de l’Union soviétique. Elle acquit de solides appuis dans les hautes sphères économiques et politiques, grâce auxquels elle parvient à mettre en œuvre un vaste système de racket. Les bénéfices retirés lui permettent de pénétrer les marchés lucratifs de la drogue, des armes et du blanchiment d’argent. C’est ainsi que le FBI la désigne en 1995, comme l’organisation criminelle la plus puissante d’Eurasie (cf. Molly Thompson). Aujourd’hui, Interpol évalue ses effectifs à près de 160 000 membres, un chiffre bien supérieur à la mafia sicilienne (5 000), aux Yakuza japonais (37 000) ou à la Cosa Nostra américaine (40 000) (cf. Marc Galeotti, 2017).
Au début des années 1990, la mafia russe se constitue d’une myriade de gangs. Alors que l’avenir de la Russie est encore incertain, leurs rivalités et les luttes de territoires s’intensifient. Ils se sont fait connaître pour leur extrême violence, tandis qu’ils multiplient assassinats et kidnappings. À feu et à sang, la Russie plonge dans une situation comparable à celle du Chicago des années 1920. Ainsi, en 1993, Moscou a été le théâtre de près de 1 400 assassinats relatifs au crime organisé. Ces affrontements laissent aujourd’hui place à un rapport de force plus « apaisé » et souterrain, de grands syndicats ayant peu à peu absorbé la multitude de gangs.
La mafia russe serait aujourd’hui constituée d’une douzaine de grands groupes agissant à l’international. Ces structures criminelles ont gagné en taille et en puissance, conquérant de nouveaux marchés et consolidant leurs bastions à travers le monde.
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