Même si l’Élysée joue le rôle majeur dans la définition et la conduite des relations étrangères de la France, le Quai d’Orsay en a la charge au quotidien et fournit avec ses Ambassades l’essentiel du travail diplomatique. Trop méconnu, le ministère des Affaires étrangères et dont l’appellation varie au gré des politiques semble souvent bien opaque vu de l’extérieur, d’où l’intérêt de cette lecture croisée des mémoires de deux anciens diplomates qui permet ainsi de mieux saisir les enjeux mais aussi les difficultés de notre diplomatie.
Parmi les livres - À l’école du Quai d’Orsay (T 999)
Among the books—At the Quai d'Orsay School
Although the Elysée plays a major role in the definition and conduct of foreign relations of France, the Quai d'Orsay is in charge of the every-day and provides much of the diplomatic work with its embassies. Too unrecognized, the Ministry of Foreign Affairs and whose name varies according to the policies often seems very opaque from the outside, hence the interest of this reading of the memories of two former diplomats that allows to better grasp the stakes, but also the difficulties, of our diplomacy.
Deux diplomates aujourd’hui retraités et ayant occupé des fonctions prestigieuses nous livrent, à la suite d’une carrière entièrement consacrée au Quai d’Orsay, souvenirs, anecdotes et réflexions sur notre outil diplomatique dans le dernier quart du XXe siècle : Gérard Simon, originaire de Lorraine, titulaire d’un baccalauréat technique, a terminé sa carrière souvent rebelle à la fonction d’ambassadeur au Burkina Faso entre 1992 et 1995 ; Richard Duqué, au parcours académique plus classique – Institut d’études politique (IEP) de Paris, École nationale d’administration (ENA) – a occupé des fonctions renommées, en particulier au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan).
Dans Souvenirs insolites d’un diplomate atypique (1), alternant un chapitre consacré à l’une de ses affectations à l’étranger et un chapitre consacré à ses fonctions (souvent dans des services techniques) à l’administration centrale à Paris, Gérard Simon offre un récit instructif, sincère, iconoclaste de la vie d’un diplomate qui ne s’en laisse pas compter à la fois par les aléas de la vie en poste et les pesanteurs du « Département », comme l’on appelle le Quai d’Orsay depuis 1589. Il a été en poste dans de nombreux pays africains (notamment le Tchad et le Burkina Faso). Il n’épargne guère certains corps professionnels représentés à l’étranger : ainsi, les enseignants, titulaires ou non du ministère de l’Éducation nationale, dont plusieurs d’entre eux ont adopté, dans diverses situations et à l’égard de certains interlocuteurs locaux, un comportement qui lui a paru moralement suspect.
Ce qui retient surtout l’attention dans le livre de « souvenirs insolites » de Gérard Simon est la lutte qu’il a dû mener, avec l’esprit du service public et l’obsession de la préservation des intérêts français chevillés au cœur, et souvent au détriment de l’avancement de sa carrière, contre sa hiérarchie peu embarrassée par l’urgence de garantir la plus entière confidentialité aux analyses géopolitiques et aux orientations proposées dans des documents rédigés par les postes diplomatiques à l’étranger ou les agents de l’administration centrale : elles étaient littéralement offertes en pâture aux agents des services secrets alliés ou ennemis, c’est-à-dire, au tournant des années 1980, soviétiques. Le lecteur est saisi d’effroi à l’idée que des secrets d’État ont pu, par pure négligence, tomber en de mauvaises mains et compromettre les intérêts et les citoyens français dans le monde. Gérard Simon se contente d’ailleurs de décrire, sans exacerber le trait, les problèmes qu’il a été contraint de résoudre pour que le Quai d’Orsay adopte a minima des mesures de protection de ses archives et documents.
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