Mai 1968 fut une épreuve pour le gouvernement et pour les forces de l’ordre principalement constituées par la Police, les CRS et la Gendarmerie mobile. Les forces armées – bien que certains aient envisagé leur emploi – ne furent pas utilisées. Suite aux manifestations souvent violentes à Paris, la doctrine d’emploi du maintien de l’ordre fut adaptée aux nouvelles exigences avec notamment la création du Centre d’entraînement de la Gendarmerie à Saint-Astier.
Mai 1968 et les armées (T 1035)
Dans la soirée du 28 mai 1968 à l’Élysée, au paroxysme de la crise de Mai, le président de la République, Charles de Gaulle, reçoit son Premier ministre, Georges Pompidou qui, selon son propre récit (Pour rétablir une vérité cité par Mattei Dogan, p. 11), s’exprime alors dans un ton martial : « Le Parti communiste va faire une manifestation importante. Le problème est posé de ses intentions. Va-t-il tenter une action réellement révolutionnaire ? C’est possible. Le fait que le rassemblement ait lieu derrière l’Hôtel de Ville peut suggérer qu’il pense à s’en emparer et à refaire la Commune de Paris. Dans ce cas, si vous en êtes d’accord, je ferai intervenir les chars, qui sont prêts. » Le lendemain, et à l’insu de tous, le président de Gaulle s’envole pour le quartier général des Forces françaises en Allemagne (FFA), situé à Baden-Baden, où le reçoit le général Massu. Une résolution militaire de la crise devient envisageable.
Pour rappel, la situation de grande instabilité dans laquelle se trouve la France fin mai 1968 a été, à l’origine, provoquée par une révolte estudiantine. Face à l’« incapacité des autorités universitaires et du Gouvernement à faire face au déluge » selon Raymond Aron dans ses Mémoires (cité par Jean-Claude Casanova, p. 496), la situation évolue vers un mouvement social et finalement, vers une véritable crise politique. A priori, aussi grave que la crise puisse être, l’affaire ne concerne pas les militaires qui, en vertu de l’article 1er de l’ordonnance du 7 janvier 1959, sont compétents en cas de menace extérieure pesant sur le territoire national ou les populations. Cependant, en vertu de l’article 17 de cette même ordonnance, il est mentionné que le ministre de l’Intérieur peut recevoir l’appui éventuel de l’armée pour assurer le maintien de l’ordre. En l’espèce, les forces de l’ordre font face depuis le 3 mai, à des troubles de haute intensité. Après les barricades des étudiants dans le Quartier latin, elles sont confrontées à des manifestations de grande ampleur et, selon Mattei Dogan (p. 5-6), à la plus grande grève de l’histoire. Pendant la nuit du 24 mai, le mouvement prend des allures insurrectionnelles qui rendent de plus en plus crédible une intervention des militaires.
Bien heureusement, l’armée n’interviendra pas. Le président de Gaulle ne demeure que quelques heures à Baden-Baden et la crise sera bientôt résolue grâce à l’organisation d’élections législatives anticipées. Il n’empêche que le scénario d’une intervention militaire ayant été concrètement envisagé, les événements de mai 1968 paraissent avoir intimement marqué l’institution militaire. En effet, mai 1968 semble constituer l’aboutissement d’un lent processus de démilitarisation du maintien de l’ordre. En outre, cette date apparaît comme un tournant dans le fonctionnement interne des armées.
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