Le 31 août 2018, le patriarche de Moscou, Kirill, et celui de Constantinople, Bartholomée, se sont rencontrés à Istanbul, siège du Patriarcat œcuménique de Constantinople. La principale question était l’autocéphalie (indépendance) de l’Église ukrainienne qui pourrait être reconnue par Bartholomée et ainsi s’affranchir de la tutelle russe. Cette indépendance soulève des enjeux tant religieux que géopolitiques et aurait des répercussions jusque dans les Balkans.
Ukraine, Russie et Églises orthodoxes : enjeux géopolitiques (T 1036)
Ukraine, Russia, and Orthodox churches: geopolitical issues
On August 31, 2018, the Patriarch of Moscow, Kirill, and that of Constantinople, Bartholomew, met in Istanbul, seat of the Ecumenical Patriarchate of Constantinople. The main question was the autocephaly (independence) of the Ukrainian Church which could be recognized by Bartholomew and thus free from the Russian tutelage. This independence raises both religious and geopolitical issues and has implications even in the Balkans.
Depuis l’indépendance de l’Ukraine et surtout depuis l’arrivée au pouvoir de Porochenko (2014), l’Ukraine cherche l’autocéphalie pour une future Église orthodoxe sur son territoire. Actuellement, trois Églises orthodoxes officient sur le territoire ukrainien, mais il n’y en a qu’une seule qui soit canoniquement reconnue, c’est celle qui est organiquement liée à l’Église orthodoxe russe, donc au patriarcat moscovite. Elle a son autonomie (pas l’indépendance) canonique par rapport au patriarcat et porte le nom d’« Église orthodoxe ukrainienne patriarcat moscovite » (EOUPM). La Russie et l’Église orthodoxe russe cherchent à préserver le statu quo, c’est-à-dire que l’EOUPM reste la seule entité ecclésiale orthodoxe dont la légitimité canonique est reconnue par les autres Églises orthodoxes officielles. De sorte que l’espace géopolitique de l’Ukraine reste à l’intérieur de l’espace canonique de l’Église orthodoxe russe, plus précisément à l’intérieur de la « Sainte Russie », qui est le cœur de l’espace canonique russe. Or, l’espace géographique couvert canoniquement par la « Sainte Russie » a une grande importance, parce que c’est, entre autres, la partie centrale du Teatr Vojni Zapad (TVZ/Teatr Vojni – « théâtre de guerre » – et non TVDZ/Teatr Vojnoga Dejstva – « théâtre militaire » ; Zapad signifiant « Ouest ») cher au Maréchal soviétique Ogarkov.
Il est donc évident, que les questions relatives à l’autocéphalie ont et auront des implications sociales, politiques, économiques et religieuses entre autres, aussi bien sur le plan national, régional, international, voir stratégique… Et cela quel que soit le résultat final des négociations entre l’Église russe et le patriarcat œcuménique (indépendance ou non). Durant le temps des « négociations » pour aboutir à une décision, comme durant celui qui va suivre, le niveau de conflictualité augmentera dangereusement et mettra à l’épreuve la capacité des partis en présence à gérer les crises.
Formellement, juridiquement, la problématique relative à l’autocéphalie d’une future Église ukrainienne « unie » est un litige qui oppose le patriarcat de Moscou et le patriarcat œcuménique de Constantinople. Cependant, les enjeux dudit litige les dépassent.
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