La Russie évolue et se transforme même si les structures sociales et les mentalités restent marquées par une histoire tragique et complexe. C’est l’une des raisons de la popularité de Vladimir Poutine même si celui-ci semble marqué par une certaine fatigue et une lassitude face à l’immensité des défis qui restent à surmonter pour que la Russie ne soit pas qu’un empire militarisé.
La Russie parmi les livres : 2018, entre souvenir et avenir (2/2) (T 1038)
Russia among the books: 2018, between past and future(2/2)
Russia is evolving and changing even though social structures and mentalities remain marked by a tragic and complex history. This is one of the reasons Vladimir Putin's popularity, even if it seems marked by a certain fatigue and weariness facing the immensity of the challenges that they remain to overcome so that Russia is not a militarized empire.
Près de deux années après l’élection de Donald Trump, il reste toujours difficile de déterminer avec exactitude, le rôle qu’a joué la Russie via son cyberespace dans sa victoire. Cet événement, comme les péripéties qui ont entouré la campagne présidentielle française de 2017, a mis la Russie au premier plan des préoccupations cybernétiques mondiales. Entre le 1er janvier et le 31 octobre, indique Kevin Lemonier, maître de conférences en études et géopolitique à l’Université Paris VIII, dans Ru.net, Géopolitique du cyberespace russophone, pas moins de 36 actions hostiles dans le cyberespace lui ont été attribuées par des gouvernements ou des médias étrangers, contre 16 en 2016 et 11 en 2015. Bien d’autres actions lui ont été imputées, comme de vouloir couper les câbles sous-marins qui structurent l’Internet mondial et même de « tester » ce dernier en vue purement et simplement de la faire cesser de fonctionner. Quelle que soit la véracité de telles accusations tous azimuts, dont l’auteur n’indique qu’aucune ne peut être matériellement prouvée, ces faits ont déclenché une prise de conscience de la vulnérabilité des systèmes numériques en cas de crise géopolitique, une réalité qui remonte bien en deça de la campagne électorale américaine de 2016.
Le fait demeure : à tort ou à raison, la Russie s’est bâtie une réputation de cyberpuissance que les accusations américaines ont grandement contribué à forger. Le cyberespace est beaucoup plus large que le seul Internet : il est constitué de quatre couches allant des infrastructures matérielles (terminaux, câbles sous-marins, dorsales fibres optiques) aux couches « logiques », celle des langages, puis au-dessus celle des informations circulant ou échangées en ligne, en passant par celle des protocoles, celle des stratégies d’aiguillages de l’information. Dans cette géographie du cyberespace, la Russie occupe une place à part et constitue une véritable exception car, contrairement aux pays européens qui dépendent entièrement sur ce point, comme bien d’autres, des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), la Russie dispose de son propre espace cyber. Ses infrastructures physiques datent de l’URSS et forment un isolat certes connecté au reste du monde mais qui peut fonctionner en autonome. C’est dans les couches supérieures cognitives qu’elle dispose du plus grand avantage, car c’est l’un des seuls pays au monde à disposer d’un écosystème quasi complet de plateformes et de services digitaux et dirigés par des entités de droit russe et à l’usage des russophones. Ce Runet est structuré autour de quelques plateformes au premier rang desquelles Yandex (Yet another index), créé en 1987, qui se partage le marché avec Google et qui figure parmi les dix plateformes les plus utilisées au monde et Vkontake (VK), le « Facebook » russe.
La Russie a adopté également, en 2014, la loi 242 obligeant les services étrangers à héberger sur le sol russe, les données portant sur les citoyens russes. Largement utilisés dans les pays de « l’étranger proche », les services du Runet permettent d’exercer une large influence sur les anciens membres de l’Empire, d’autant plus que leurs liaisons avec l’extérieur passent par la Russie, à l’exception des pays Baltes, surtout de la Lituanie, qui se sont affranchis de cette dépendance. À cela, s’ajoutent deux éléments. Le premier est que depuis l’installation, en 2005, de la grande dorsale TEA (TransEuropaAsia), « épine dorsale » de la couche physique du cyberespace russe, une grande partie des flux entre Europe et Asie, transite en territoire russe le long du Transsibérien. Le second est constitué par les data centers, gros consommateurs d’électricité, car ils représentent à eux seuls 5 % de la consommation mondiale. Un certain nombre d’entre eux, les Chinois au premier chef, s’implante en Sibérie où le froid leur est propice. On trouve aussi en Sibérie de gros barrages hydrauliques fournissant l’électricité à très bon marché. Dans la mesure où le stockage de la donnée numérique est devenu une activité critique, leur localisation éventuelle en Sibérie qui présente tant d’avantages est lourde de sens.
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