À l’heure d’Internet et des sources ouvertes, il est toujours intéressant de lire ces ouvrages qui mettent en perspectives et présentent les grands textes qu’ils soient politiques ou juridiques ainsi que les discours qui ont eu un impact significatif sur la destinée du monde.
Parmi les livres - Ces textes ou discours qui ont changé le monde (T 1052)
Among the books—These texts or speeches that changed the world
In the age of the Internet and open sources, it is always always to read these works which put in perspective and present the great political or legal texts and speeches that had a significant impact on the destiny of the world.
Comprendre notre monde et ses multiples enjeux exige une attention de tous les instants s’appuyant sur de multiples instruments de savoir, tels qu’annuaires stratégiques, atlas, études thématiques et bien sûr, mémoires des acteurs ou témoignages livrés sur le vif. On peut se demander aussi si, à l’heure d’Internet, de Wikipedia et de bien des multiples sources ouvertes de documentation comme le site des grandes organisations internationales (ONU, Banque mondiale, UE, Union africaine…), un recueil des grands textes diplomatiques, politiques et juridiques présente encore un intérêt ?
Il semble bien que oui, car Relations internationales : Grands textes politiques et juridiques (1) sous la coordination de Louis Le Hardy de Beaulieu, recueil de textes de grand format en est à sa 3e édition et il convient de savoir gré à son éditeur belge de s’y être tenu. Avec lui, le lecteur, pas forcément chercheur, journaliste, expert, diplomate ou militaire, tient en main un instrument complet et fort clair qui lui épargnera des heures de recherche, de reproduction et même de lecture. Certes, les textes historiques et politiques qui figurent en première partie ne couvrent que 85 pages sur 591, mais ils constituent déjà un corpus de taille. De l’Acte final de Vienne du 9 juin 1815 aux Accords de Yalta et de Potsdam du 11 février et du 2 août 1945, on y trouve l’essentiel des « grands » textes à l’origine des ordres européens et mondiaux successifs.
De 1945, on fait un saut au communiqué final de la Conférence de Bandung du 25 avril 1955, conférence qualifiée par le Sénégalais Sédar Senghor d’« événement mondial le plus important depuis la Renaissance » ! Une série de textes portent sur les relations Est-Ouest et les relations internationales, y compris le discours de Dominique de Villepin, du 14 février 2003, lorsqu’il s’opposa à l’intervention américaine en Irak. On sera peut-être déçu par la relative modicité des textes traitant des relations transatlantiques, de la construction européenne, mais on retrouvera les grands traités européens dans la partie suivante juridique. Le Proche-Orient est plus largement couvert des Accords Sykes-Picot du 9 mai 1916 au Traité de paix entre Israël et l’Égypte du 26 mars 1979.
Les textes juridiques forment l’essentiel de ce Recueil. Mais par textes juridiques, il faut entendre une gamme très étendue de documents, Conventions, Résolutions de l’ONU, etc., portant sur le maintien de la paix, les conflits armés, le désarmement ou le droit humanitaire. Il est intéressant de relire la définition de l’agression telle qu’elle été établie par la résolution du 14 décembre 1974.
Les espaces internationaux (mer, air, espace extra-atmosphérique…) sont largement couverts. On trouve la Charte de l’ONU, le Traité de l’Atlantique Nord, le Traité sur l’UE et la série de Protocoles, le statut du Conseil de l’Europe.
Les auteurs ont mis également l’accent sur le droit de la personne, le droit de l’environnement, mais peu sur le droit économique et financier. Enfin, on trouvera des extraits de Constitution, celles du Canada, de l’Allemagne, de la Belgique, de la France et de l’Autriche régissant les rapports internationaux, une liste qui aurait pu s’étendre notamment en incluant la Constitution américaine. Si bon nombre de ces textes sont reproduits in extenso, ce n’est pas le cas de tous, par exemple on ne trouvera que des extraits – cependant substantiels – du Traité du droit de la mer du 10 décembre 1982. Citer l’intégralité des textes aurait occupé un espace démesuré : que l’on en juge le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998 prenant près de 38 pages ! Le tout, agrémenté d’une table chronologique, se lit aisément et on retrouve les textes avec facilité.
En complément de ces textes politiques et juridiques, on lira avec profit et plaisir cet habile choix de discours Ces grands discours qui ont changé le monde, De Jésus à Malala (2). Bien qu’initialement écrit en anglais, cette sélection de 51 discours accorde une place notable à la France, puisque bon nombre des paroles historiques de ses grandes figures sont reproduites : Mirabeau, Robespierre, Napoléon Bonaparte, Victor Hugo, Marie Curie, Charles de Gaulle, Simone Veil ; une lignée qui se poursuit par Robert Badinter – dans son discours appelant à l’abolition de la peine de mort –, Dominique de Villepin – parlant à l’ONU, le 14 février 2003, avant l’intervention américaine en Irak (« La guerre est toujours la sanction d’un échec ») –, et qui s’achève par le premier discours d’Emmanuel Macron à l’ONU, le 19 septembre 2017 (« La France refusera toute escalade et ne fermera aucune porte au dialogue »). Seuls les États-Unis, avec quatorze citations, font mieux au palmarès.
Au-delà de cette comptabilité « nationale », il faut mentionner la part belle donnée aux discours de contenu ou de résonance internationale, comme il en est des discours de Franklin Delano Roosevelt au lendemain (8 décembre 1941) de l’attaque japonaise sur Pearl Harbour, de Winston Churchill lors de son 1er discours en tant que Premier ministre à la Chambre des communes (« Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur », 13 mai 1940), d’Anouar el-Sadate devant la Knesset, le Parlement israélien (« Nous acceptons de vivre avec vous dans une paix durable », 19 novembre 1977).
Bien des paroles chocs de ces discours sont devenues des médailles ou des figures de rhétorique, comme le « Vous qui, comme moi, êtes Américains, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » de John Kennedy, lors de son discours inaugural après sa prestation de serment comme 35e Président des États-Unis (20 janvier 1961) ; « Monsieur Gorbatchev, abattez ce mur ! » de Ronald Reagan, le 12 juin 1987 ; ou la belle formule de Jawaharlal Nehru prononcée le 14 août 1947, « Lorsque sonnera minuit, lorsque le monde dormira, l’Inde s’éveillera à la vie et à la liberté ». Chaque discours est précédé d’une brève biographie de son auteur et des circonstances dans lesquelles il a été prononcé.
Au moment où l’Union des Banques suisses nous apprend que le patrimoine des 27 personnes les plus riches du monde qui s’élève à 1 390 milliards de dollars est équivalent à celui de la moitié de la plus pauvre de l’humanité, on méditera sur la parole du pape François : « Que la paix soit dans le monde encore divisé par la convoitise de ceux qui cherchent, l’argent facile » (bénédiction pascale urbi et orbi, du 31 mars 2013), qui fait écho à la première citation de l’ouvrage : « Heureux soient les pauvres en esprit ». Mais que le lecteur ne pense pas que ce recueil de grands discours soit toujours aussi inspiré par les lueurs de l’esprit. On y trouve des paroles brutales, comme celles du général George S. Patton « J’abattrai moi-même ce fils de pute, ce pourri d’Hitler », alors que George W. Bush, déclare le 11 septembre 2001, « Aujourd’hui notre Nation voit le mal ». ♦
(1) Anthémis, 2017, 598 pages
(2) Militante pakistanaise des droits des femmes victime d’une tentative d’assassinat de la part des Talibans en 2012 à l’âge de 15 ans, attentant à la raisonnance mondiale. Deux ans plus tard, elle est colauréate du prix Nobel de la paix. Livre : Armand Colin, 2018, 320 pages