Le Danemark a longtemps eu une approche très atlantiste des questions de sécurité, privilégiant l’Otan et considérant l’UE essentiellement sous un angle économique. Les évolutions géopolitiques récentes obligent Copenhague à modifier sa vision en renforçant sa défense notamment dans l’espace baltique face à la présence russe et en développant ses capacités dans une dimension plus européenne.
Le Danemark, nouvel acteur stratégique pour la défense européenne ? (T 1059)
Denmark, a new strategic actor for european defense?
Denmark has had a very Atlanticist approach to security issues for a long time, favoring NATO and considering the EU essentially as an economic angle. Recent geopolitical developments are forcing Copenhagen to modifiy its vision by strengthening its defense, particularly in the Baltic area, against the Russian presence and by developing its capabilities in a more European dimension.
À l’occasion d’une conférence de presse conjointe donnée le 28 août 2018 à Copenhague avec le président Emmanuel Macron, le Premier ministre Lars Løkke Rasmussen a fait un point sur l’état du lien transatlantique, soulignant notamment le fait que « stratégiquement, un meilleur engagement du Danemark serait une bonne nouvelle pour l’Europe et pour la France. » Au même titre que les nombreux accords bilatéraux signés lors des trente-six heures de visite du président de la République au Danemark, soit la seconde visite d’État d’un Président français sous la Ve République après François Mitterrand en 1982, les propos du chef du gouvernement danois ont véritablement marqué une orientation significative du Royaume en faveur de son partenaire européen.
Quarante-cinq ans d’histoire ont façonné la relation très spéciale du Danemark avec l’Union européenne. Au fondement de cette relation, l’autonomie danoise s’est révélée être au cœur de la politique étrangère du pays dans de nombreux domaines. Le 1er janvier 1973, soit la même année que l’Irlande et le Royaume-Uni, le Danemark adhère à la Communauté économique européenne (CEE) et montre son attachement à une Europe respectueuse des spécificités nationales, sans accepter certains projets rattachés à la construction communautaire. Le Danemark a d’ailleurs affirmé sans détour une volonté de maintenir le contrôle de sa destinée au péril de l’impératif d’unité des alliés européens. Le positionnement significatif de ce pays s’est notamment révélé le 2 juin 1992 lorsque le peuple danois a rejeté le Traité de Maastricht à une courte majorité (le « non » l’ayant emporté à 50,7 % pour 83,1 % de participation). Ce vote donne ainsi lieu au Sommet puis aux Accords d’Édimbourg, au mois de décembre suivant, permettant au Danemark d’obtenir plusieurs concessions avant l’acceptation définitive du Traité l’année suivante lors d’un second référendum national (le « oui » l’ayant emporté à 56,7 % avec une participation – en hausse – de 86,5 %). Consacrant ainsi l’entrée de l’État danois dans l’Union européenne, ce dernier ne participe que partiellement à l’Union économique et monétaire, à la citoyenneté européenne, à la coopération policière et à la politique de défense commune. Un tel régime d’exemption pour le Danemark entraînera l’acceptation par ses pairs de l’idée d’une « Europe à géométrie variable. »
Sur ce dernier point, la clause de restriction du Danemark vis-à-vis de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) est visée à l’article 5 du protocole 22 sur la position du Danemark, qui est lui-même rattaché au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (cf. JO UE 9 mai 2008, p. 0299-0303). Le protocole précise ainsi que le Danemark ne participe pas à l’élaboration et à la mise en œuvre des décisions et actions de l’Union qui ont des implications en matière de défense. Le Danemark n’est donc pas obligé de contribuer au financement des dépenses opérationnelles découlant de ces mesures, ni de mettre à disposition des capacités militaires envers l’Union européenne. En conséquence, l’un des cadres, sinon le seul, dans lequel l’interopérabilité peut s’opérer avec ce pays est celui de l’Alliance atlantique. Il s’agit d’une situation singulière pour l’Union européenne, qui voit ainsi l’un de ses membres se doter d’une large autonomie à l’intérieur de ses frontières, tout en faisant preuve d’un activisme international conséquent par rapport à la plupart de ses partenaires européens.
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