Le classement 2019 des 100 entreprises de défense les plus importantes, proposé par l’hebdomadaire américain Defense News, illustre la suprématie américaine, l'entrée en force chinoise et une situation mitigée pour les Européens.
Le top 100 des entreprises de défense (T 1106)
The Top 100 Defense Enterprises (T 1107)
The 2019 ranking of the 100 most important defense enterprises, proposed by the American weekly Defense News, illustrates the American supremacy, the entry into Chinese force, and a mixed situation for the Europeans.
Le classement 2019 des 100 entreprises de défense les plus importantes, présenté chaque été par l’hebdomadaire américain Defense News, permet de faire le point dans un contexte géopolitique plutôt compliqué et en mutation, avec une nouvelle hausse des budgets de la Défense dans la plupart des pays qui impacte directement les entreprises concernées. C’est aussi un indicateur fiable du poids géopolitique de certains États, tout en relativisant quelques résultats.
Comme prévu et comme d’habitude, les États-Unis continuent à accentuer leur hégémonie avec 41 entreprises dont cinq figurant dans le top 10. Les quatre premières sont, dans l’ordre, Lockheed Martin (le constructeur du F-35), Boeing, Northrop Grumman Corporation et Raytheon Company. Cependant, il faut souligner que la part liée à la défense varie d’une entreprise à l’autre : ainsi, Lockheed dépend du militaire à 94 %, tandis que Boeing est essentiellement porté par le marché civil avec 66 % de son chiffre d’affaires. Du reste, il est vraisemblable que la catastrophe industrielle liée au 737 Max (cloué au sol depuis mars), évaluée à environ 10 milliards de dollars, modifiera pour 2020 les 34 % tirés de la défense.
Au-delà de la domination américaine permanente depuis des décennies, la principale leçon de cette liste est l’arrivée massive et impressionnante des entreprises chinoises. Pékin en place huit parmi les 50 premières, traduisant à la fois la montée en puissance de l’Armée populaire de libération (APL) et l’augmentation des exportations d’armement chinoises, notamment dans le domaine naval avec des séries impressionnantes.
Ainsi, le Pakistan a récemment signé un accord pour deux frégates de type 054A, complétant les deux déjà commandées. Islamabad s’équipe aussi d’avions chinois de type JF-17.
De plus, le niveau technologique des produits chinois ne cesse de progresser à des prix très compétitifs et donc de séduire des acquéreurs potentiels, davantage encore s’ils participent aux « nouvelles routes de la soie ». Un réseau d’États-Clients – voire inféodés – se met dès lors en place, renforçant la position de Pékin sur la scène internationale, à l’image de la Thaïlande qui a commandé des sous-marins diesel-électrique du type Yuan, ou encore le Sri Lanka qui reçoit régulièrement des équipements made in China. Pékin devient également un fournisseur régulier en Afrique, proposant ses matériels à des pays jusqu’à présent clients de l’Occident.
Cette entrée en force chinoise a comme conséquence de rétrograder d’autres entreprises, en particulier les Européennes. Côté français, Airbus figure désormais à la 9e place (au lieu de la 7e) tout en précisant que la défense ne représente que 17 % de son chiffre d’affaires. Thales perd sept places pour apparaître en 16e position, tandis que Naval Group pointe désormais à la 28e place (- 10). En revanche, le constructeur naval étant entièrement dédié au militaire, nul doute que les récentes commandes (Pays-Bas, Belgique, Argentine, Roumanie…) auront un impact positif pour son prochain classement. Dassault, pour sa part, a grimpé de six places. Les contrats à l’exportation des Rafale, ainsi que la légère reprise du marché des Falcon contribuent aux bons résultats de la firme au trèfle.
L’entreprise franco-allemande KNDS, spécialiste de l’armement terrestre, se place en 45e position. Des interrogations demeurent quant à la viabilité et l’équilibre des actionnariats, surtout avec la montée progressive du nouveau programme de combat terrestre MGCS (Main Ground Combat System) destiné à remplacer au-delà de 2030 les AMX Leclerc et les Leopard 2. Les enjeux sont essentiels avec la volonté politique d’affirmer une approche européenne nécessaire tout en conservant une autonomie stratégique crédible et une BITD efficace et performante.
La dernière entreprise française de ce classement est Safran (56e place), dont le bilan a été mitigé avec l’échec de son moteur Silvercrest qui était destiné à motoriser le Falcon 5X avant que Dassault n’abandonne, et la mise au point du drone tactique Patroller destiné à l’Armée de terre. La livraison du premier SDT (Système de drone tactique) sera composée de deux stations sol et de cinq aéronefs. Elle est prévue pour la fin de l’année.
Six entreprises françaises, dix britanniques, trois allemandes et deux italiennes : l’Union européenne compte 25 sociétés dans ce classement, soit le quart. Il s’agit d’un relatif retrait face à la suprématie américaine incontestée et l’impérieuse nécessité de renforcer la BITD européenne. On constate aussi l’importance du Royaume-Uni, dimension essentielle à prendre en compte dans le cadre du Brexit, avec la tentation atlantiste fortement soutenue par le nouveau Premier ministre Boris Johnson. Londres est d’ailleurs très investi dans le programme du F-35 et la composante balistique de ses SNLE (la classe Dreadnought, en cours de construction) est d’origine américaine.
Certes, plusieurs critères d’analyse peuvent prêter à discussion. Globalement, le top 100 de 2019 conforte néanmoins les positions américaines et montre les progrès spectaculaires de l’industrie chinoise qui peut, de ce fait, répondre aux ambitions politiques de Pékin. La situation française est contrastée, avec des champions européens qui ont besoin d’une consolidation avec des partenaires de l’UE pour accroître leur masse critique face aux entreprises américaines. Il apparaît également nécessaire de renforcer rapidement notre tissu de PME-ETI pour être plus compétitifs notamment à l’exportation. Il y va de notre souveraineté, mais aussi de notre vitalité économique. La BITD constitue pour cela un atout majeur qu’il faut soutenir. C’est l’un des objectifs de la LPM 2019-2025, à condition qu’elle soit respectée dans son intégralité. ♦