Le Canada bénéficie de son insularité continentale ayant permis d’écarter les menaces directes sur son territoire, mais Ottawa a toujours été un allié loyal tant dans le passé avec la participation de soldats canadiens lors des deux conflits mondiaux mais aussi plus récemment en Afghanistan. La montée des tensions en Arctique, avec une présence russe accrue, oblige à un nouvel effort de défense assumé par le gouvernement de Justin Trudeau.
De la motivation d'une politique de défense : l'exemple canadien (T 1109)
Motivation of a Defense Policy: the Canadian Example (T 1109)
Canada benefits from its continental insularity which has made it possible to eliminate the direct threats on its territory, but Ottawa's has always been a loyal ally in the past with the participation of a Canadian soldiers in two world conflicts, but also more recently in Afghanistan. The rising tensions in the Arctic, with an increased Russian presence, forces a new defense effort by Justin Trudeau's government.
Les motivations sous-tendant les investissements massifs requis par une défense moderne et performante sont multiples : impératifs militaires, contexte géopolitique, évolution des menaces, mais aussi dynamiques économiques et situations budgétaires ; autant de variables complexes concourant à déterminer la qualité et la quantité des achats nécessaires. Les questions politiques ont également leur influence et la culture stratégique d’un pays, selon qu’il se considère lui-même comme pacifiste, isolationniste ou interventionniste jouera bien souvent un rôle plus ou moins déterminant dans la définition d’une politique de défense, particulièrement au sein des démocraties modernes, où ces mêmes politiques relèvent d’une logique électorale bottom-up plus ou moins marquée. L’Allemagne moderne n’investit ainsi pas autant, ni de la même manière dans ses forces armées que la France ou le Royaume-Uni, parce que son histoire et la place qu’elle se donne dans le monde ne lui donne pas d’impératif comparable.
À ce titre, les évolutions du Canada sur les cinquante dernières années sont particulièrement éclairantes et l’on peut distinguer nettement plusieurs périodes. Alors que le Canada, « royaume paisible » qui sort de la Seconde Guerre mondiale doté d’un outil militaire conséquent, de la cinquième marine et de la quatrième flotte aérienne mondiale, se désarme rapidement ; la pression de ses alliés de l’Otan, qui le somment de participer au système de défense de l’Allemagne de l’Ouest, lui imposèrent de maintenir en ligne et de renouveler un arsenal conséquent. Toutefois, ce n’est pas comme une puissance militaire que le Canada compte agir sur la scène internationale, ce qui répond à une certaine logique. Relativement peu peuplé (37 millions d’habitants pour un territoire de près de 10 millions de kilomètres carrés, soit une densité d’un peu plus de 4 personnes par kilomètres contre 117 en France), ce qui limite ses moyens, en paix avec son principal voisin depuis la guerre de 1812 et protégé au Nord par les étendues arctiques, le Canada ne se voit pas comme un pays menacé puisqu’il bénéficie largement de la protection américaine, au point d’accepter temporairement le déploiement d’armes nucléaires sur son territoire durant les années 1960 et 1970. Au contraire des États-Unis, c’est en tant que puissance moyenne (concept d’ailleurs élaboré par Ottawa et d’autres) que le Canada s’engage, utilisant au maximum de leur potentiel les nouvelles institutions internationales pour acquérir les moyens de sa politique étrangère. L’action de Lester B. Pearson, ministre des Affaires étrangère lors de la crise de Suez (1965) marque l’affirmation de ce qui deviendra par la suite un trait constitutif de la culture stratégique nationale. En réunissant autour de lui une large coalition d’autres puissances moyennes, de non-alignés ainsi que de petits pays, il permet un règlement pacifique de la crise en instituant un corps d’interposition neutre, destiné à séparer les belligérants. Ce faisant, Pearson, qui deviendra par la suite Premier ministre, adopte une position de rupture avec l’attitude canadienne traditionnelle en allant à l’encontre des intérêts britanniques, et affirme à la fois l’indépendance de son pays et sa préférence pour la résolution pacifique des différends plutôt qu’envers les options militaires.
Par la suite, l’action militaire canadienne se résumera notamment à la participation aux dispositifs de défense de l’Otan, non sans regimber : souhaitant par deux fois se débarrasser définitivement de ses chars de combat obsolescents au profit d’un allègement de ses forces, il fallut toute la pression de l’Alliance atlantique pour convaincre Ottawa de renouveler son parc afin de conserver son apport au dispositif défensif de l’Otan en République fédérale d’Allemagne (RFA). Au contraire, les contributions canadiennes enthousiastes aux Opérations de maintien de la paix (OMP) de l’ONU demeurent une constante dans la vie politique nationale, au point d’en faire un sujet de polémiques occasionnelles. L’engouement de la société civile canadienne pour la participation aux OMP crût rapidement : le gouvernement fut ainsi plusieurs fois critiqué pour sa réticence à s’engager dans les opérations au Congo. À l’heure actuelle, le Canada demeure un des principaux contributeurs historique en hommes aux actions de paix de l’ONU (80 000 personnes, civiles et militaires entre 1948 et 1988, soit 10 % des forces ayant participé aux OMP onusiennes), bien que sa participation aux effectifs des casques bleus ait significativement chuté depuis quelques années. Au total, plus de 125 000 hommes et femmes canadiens ont participé aux OMP depuis le milieu du siècle dernier, majoritairement entre 1956 et 1990. Cette baisse récente de l’implication est d’ailleurs un important sujet de débat au sein de la société civile canadienne. Le maintien de la paix multilatéral devint ainsi peu à peu un élément constitutif de l’identité canadienne et de la culture stratégique nationale. La participation des Forces armées canadiennes (FAC) à de telles opérations devenant une de leurs missions prioritaires.
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