Le 3 juillet 1940, la flotte britannique, après un ultimatum dans le cadre de l’opération Catapult visant à éviter que la flotte de Vichy soit capturée par le IIIe Reich, attaquait l’escadre française au mouillage à Mers el-Kébir. 1 295 marins français périrent lors de cette frappe, provoquant un violent sentiment anti-anglais en France. L’objectif de Catapult, voulu par Churchill, obéissait à une approche stratégique visant à éviter un rapport de force défavorable en Méditerranée, d’autant plus que l’Italie était alliée à Berlin et disposait d’une flotte moderne.
Il y a 80 ans, le drame de Mers el-Kébir (T 1185)
Contre-torpilleur Mogador en feu, bataille de Mers el-Kébir, 3 juillet 1940
On July 3, 1940, the British fleet, after an ultimatum as part of Operation Catapult to prevent the Vichy fleet from being captured by the Third Reich, attacked the French squadron at anchor at Mers el-Kébir. 1,295 French sailors perished in this strike, sparking violent anti-English sentiment in France. The Catapult objective, desired by Churchill, obeyed a strategic approach aimed at avoiding an unfavorable balance of power in the Mediterranean, especially since Italy was allied with Berlin and had a modern fleet.
3 juillet 1940 - 3 juillet 2020.
Anniversaire douloureux que celui de Mers el Kébir, l’opération Catapult, qui a abouti à l’attaque de l’escadre française au mouillage à Oran, par son alliée de la veille, tandis qu’à Alexandrie, les deux amiraux, Cunningham et Godfroy parvenaient à un gentleman agreement, la neutralisation de la Force X, sans effusion de sang (simplement, les percuteurs des culasses des canons de l’artillerie principale des bâtiment français ont été déposées dans un coffre de l’agence de la Banque d’Angleterre d’Alexandrie). En outre, Godfroy et Cunningham étaient unis par des liens familiaux, alors que Sommerville, qui a attaqué la flotte au mouillage à Oran, était réputé pour être l’amiral le plus buté de la Flotte britannique.
Port de Mers el-Kébir avant l'attaque, 1940
Au-delà de ces considérations, pour douloureuses qu’elles soient, il convient de raisonner cette affaire en termes de rapport de force naval global, au niveau de la conduite de la guerre.
En effet, à la suite des Conférences navales de Washington en 1922 et de Londres en 1930, les constructions navales britanniques avaient considérablement baissé de rythme entre 1922 et 1937, si bien que la flotte britannique avait subi un vieillissement sensible de ses unités, qui ne serait surmonté que par un effort de réarmement, mais dont les effets ne devraient pas se faire sentir avant 1941 ou 1942. Certes, 15 bâtiments de ligne (cuirassés) s’opposent à 5 bâtiments allemands du même type, mais 3 seulement, le Hood, le Repulse et le Renown étaient suffisamment rapides et armés pour neutraliser ces derniers. Et encore, l’armement principal des nouveaux croiseurs de bataille allemands (classe Scharnhorst) surclassait celui de tous les bâtiments alliés. C’est ce qui avait déterminé l’Amirauté britannique à demander à l’amiral Darlan à l’entrée en guerre en septembre 1939, que deux cuirassés modernes français renforçassent la surveillance de l’Atlantique Nord. Pour compenser le lancement des cuirassés allemands Bismarck et Tirpitz, l’Amirauté britannique avait également agi auprès du ministère de la Marine français pour faire accélérer l’achèvement des deux cuirassés Richelieu et Jean Bart, alors en chantier.
En outre, depuis le 10 juin, l’Amirauté britannique devait compter avec la flotte italienne qui disposait de quatre unités modernes de la classe Littorio (Littorio, Vittorio Veneto, Imerio et Roma) lancés à compter de 1935, en réponse aux croiseurs de bataille français de la classe Dunkerque, dont la flotte britannique était dépourvue. Il s’agissait de bâtiments rapides et bien armées (deux tourelles quadruples de 340).
Si bien que, du fait du retrait français, l’Amirauté britannique se trouvait, fin juin 1940, confrontée à ce que l’on appellerait de nos jours un « trou capacitaire » jusqu’en 1942, date de l’entrée en service actif de ses unité modernes.
Les cuirassés français tentent de s'échapper de la rade de Mers el-Kébir, 3 juillet 1940
Plus grave encore, l’hypothèse du ralliement de la Flotte française intacte à l’Axe (très peu probable et relevant du fantasme) ou sa saisie par les Allemands et son réarmement par les soins de la Kriegsmarine (hypothèse beaucoup plus vraisemblable) seraient alors de nature à renverser le rapport de forces naval de façon irréversible.
Cela signifiait l’expulsion de la Flotte britannique de la Méditerranée et, partant, la perte du contrôle de la route de Suez, perspective absolument inenvisageable pour le Cabinet de guerre britannique.
On comprend mieux dès lors, que, dans ses Mémoires, Churchill ait écrit : « La décision d’attaquer la Flotte française mouillée à Oran, fut la décision la plus pénible que j’eus à prendre de toute la guerre. » ♦