La dramatique explosion du port de Beyrouth a entraîné, outre les pertes humaines importantes, de nombreuses destructions de bâtiments. Cette explosion est liée à la cargaison d’un navire abandonné. Cas fréquents, ces navires abandonnés posent de très nombreuses questions et de problèmes avec des équipages souvent livrés à eux-mêmes et non payés, des bateaux dont la propriété est mal définie en raison des pavillons de complaisance et faisant « ventouse » dans des ports durant des années, avant un éventuel démantèlement. Certes, les règles internationales se sont améliorées mais il reste encore beaucoup trop de navires en fin de vie et dont personne ne veut. À cela se rajoute la phase de démantèlement où, là encore, la préoccupation environnementale n’est pas une priorité.
Beyrouth ou le drame des navires abandonnés (T 1200)
Le Rio Tagus abandonné dans le port de Sète (@ Chritian Ferrer)
The dramatic explosion in the port of Beirut led, in addition to significant human losses, to numerous destructions of buildings. This explosion is linked to the cargo of an abandoned ship. Frequent cases, these abandoned ships pose many questions and problems with often left to their own devices and unpaid crews, boats whose ownership is unclear due to flags of convenience and sticking as “sucker” in ports during years before eventual dismantling. Admittedly, international rules have improved, but there are still far too many end-of-life ships that no one wants. Added to this is the dismantling phase where, again, environmental concerns are not a priority.
Le 4 août 2020, l’explosion d’un stock de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium entreposé depuis presque 7 ans dans le port de Beyrouth génère un sinistre industriel hors normes doublé d’une catastrophe humaine. Selon le bilan le plus récent, 190 personnes sont mortes, 6 500 ont été blessées et on dénombre plus de 300 000 sans-abri dans les rues. Cet événement renforce l’instabilité d’un pays qui est traversée depuis plusieurs années par une crise politique, économique et sociale. En 1947, la même substance avait explosé sur le cargo Ocean Liberty, dans le port de Brest, faisant 26 victimes (1). Les premiers éléments de l’enquête libanaise relient l’accident aux mésaventures d’un navire, le Rhosus, battant pavillon moldave. Parti de Géorgie en septembre 2013 avec pour destination annoncée le Mozambique, il fait escale en Turquie et en Grèce, avant de rejoindre le Liban. Mais constatant d’importants problèmes techniques, les autorités portuaires l’immobilisent. C’est alors le début d’un long imbroglio juridique et diplomatique. Abandonné par ses propriétaires et affréteurs, le navire fait l’objet de poursuites judiciaires de la part de ses créanciers. La justice libanaise finit par ordonner le déchargement de la cargaison en raison du danger qu’elle fait courir aux membres de l’équipage, contraints de rester à bord pendant de très longs mois. Le nitrate d’ammonium sera placé dans l’un des hangars du port, jusqu’à ce que le drame survienne (2).
Les conséquences de l’abandon de navires n’ont jamais autant été visibles et dramatiques qu’à Beyrouth. Pourtant, ce n’est pas un cas isolé car chaque année, des dizaines d’embarcations restent bloquées à quai pour cause de vétusté ou de difficultés financières, avec parfois dans leurs cales une cargaison dangereuse. Les pratiques en vigueur dans le milieu maritime – pavillons de complaisance, armateurs insaisissables… – ajoutent à la complexité des problèmes posés par ces navires oubliés. Les premières victimes en sont les marins : dans l’attente de leurs salaires et d’un hypothétique rapatriement dans leur pays d’origine, ils survivent tant bien que mal, souvent grâce au soutien des associations caritatives locales.
Définition d’un navire abandonné
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