En multipliant les opérations militaires en Afrique, l’Union européenne (UE), sous l’impulsion française, modèle son approche des questions de défense et de sécurité. La démarche s’accompagne notamment d’un effet d’acculturation tactique en terre africaine.
De l’Ituri au Sahel : la France donne consistance à une culture stratégique européenne hybride (T 1219)
Patch EUFOR Tchad/RCA
By increasing military operations in Africa, the European Union (EU), under French leadership, is shaping its approach to defense and security issues. The approach is accompanied in particular by a tactical acculturation effect on African soil.
L’armée est porteuse de cultures qui sont l’expression militaire des acquis d’expérience et de l’évolution sociopolitique. Il en découle une culture stratégique, dans une certaine conception de l’action militaire et de l’usage de la force qui se situe au cœur de véritables enjeux de civilisation. Mais avant d’être un concept explicatif des comportements militaro-politiques, la culture stratégique, par l’intermédiaire d’« un système intégré de symboles (1) », est d’abord un discours avec une visée. Relevons avec John Christopher Barry que « cette visée est d’être un argumentaire réaliste et efficace afin d’affirmer des orientations stratégiques durables (2). » C’est un discours de légitimation de préférences stratégiques.
Carnes Lord appréhende la culture stratégique comme l’« ensemble des pratiques traditionnelles et des habitudes de pensée qui, dans une société géographiquement définie, gouverne l’organisation et l’emploi de la force militaire au service d’objectifs politiques. (3) ». Kerry Longhurst y voit « un corpus distinct de croyances, attitudes et pratiques concernant l’utilisation de la force, détenu par une entité collective […] et développé graduellement dans le temps, à travers un long et unique processus historique (4). » Selon Bruno Colson « la culture stratégique modèle l’approche des questions de défense au sein d’une nation et elle engendre un style national dans la politique de sécurité et dans la conduite de la guerre. » (5) La culture stratégique permet d’éclairer en fonction des « conditions objectives », la probabilité des choix effectués de même que la manière dont ces « conditions objectives » sont perçues ou analysées. Bien plus elle impulse le concept de défense, expose les tâches et les défis qui sollicitent l’armée, et lui impose de nécessaires mutations. L’Europe de la défense forge son âme au combat. C’est les armes à la main, et en territoires étrangers, qu’émerge et se consolide, non sans influences, les préférences stratégiques de l’UE.
De la République démocratique du Congo (2003), le Darfour (2008), le Sahel depuis 2013, l’Afrique des conflits structure la culture stratégique de l’UE sous l’impulsion française.
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