La disparition de Daniel Cordier, à l’âge de 100 ans, est plus qu’un symbole, alors qu’il ne reste plus qu’un Compagnon vivant, Hubert Germain. Daniel Cordier a eu plusieurs vies et a offert jusqu’à peu un témoignage exceptionnel sur la France libre et la Résistance. Par son rôle de secrétaire de Jean Moulin, il a œuvré à l’unification des mouvements de résistance derrière la figure du général de Gaulle, dont on vient de célébrer le 80e anniversaire de l’appel du 18 juin et les 50 ans de son décès.
Hommage à Daniel Cordier (T 1222)
Daniel Cordier à Paris (© Ordre de la Libération)
The disappearance of Daniel Cordier, at the age of 100 years old, is more than a symbol, while there remains only one living Companion, Hubert Germain. Daniel Cordier had several lives and until recently offered exceptional testimony to Free France and the Resistance. Through his role as Jean Moulin's secretary, he worked to unify the resistance movements behind the figure of General de Gaulle, whose 80th anniversary of the appeal of June 18 and the 50th anniversary of his death have just been celebrated.
Français libre impatient de « tuer des Boches », Daniel Cordier fait sa guerre comme secrétaire de Jean Moulin, unificateur de la Résistance intérieure. Ignorant l’art contemporain avant d’y être initié par le fondateur du CNR, il marque son histoire comme galeriste et collectionneur. Ne se revendiquant pas historien, il transforme l’historiographie de la Résistance – par sa monumentale biographie de « l’inconnu du Panthéon » (1) puis ses mémoires (2). Ancien monarchiste, il finit conscience républicaine. Parti avant-dernier compagnon de la Libération, il ne souhaitait pas, de toute manière, reposer au Mont-Valérien : il se jugeait plaisamment trop frileux pour l’endroit… Son seul regret fut de n’avoir jamais connu les champs de bataille. Daniel Bouyjou-Cordier naît le 10 août 1920 dans la bourgeoisie négociante bordelaise. Le milieu familial, profondément monarchiste et antisémite, le prépare à l’engagement : à 14 ans, il a sa carte à l’Action Française, à 17 ans il fonde et organise un cercle Charles-Maurras. Pendant la Drôle de Guerre, il donne la priorité à la défense nationale sur la haine de la République. Il relaie par tracts les appels de Maurras à confier le pouvoir au maréchal Pétain, supposé conduire la lutte plus fermement.
En pleine débâcle, le 17 juin 1940, il apprend avec espoir l’avènement du vainqueur de Verdun : il est profondément choqué de l’entendre demander l’armistice à « l’adversaire ». Daniel Cordier songe aussitôt, avec ses camarades, à se porter à la rencontre de l’ennemi avec des fusils de chasse. Puis ils se ravisent que, quitte à mourir, mieux vaut que ce ne soit pas pour rien. Le 20 juin, à la mairie de Pau, ils organisent une réunion pour rassembler des volontaires prêts à continuer le combat hors de métropole. Le 21 juin, ils ne sont que seize à s’embarquer à Bayonne, pour l’Afrique du Nord, mais le navire est dérouté vers l’Angleterre. Le 2 juillet, à l’Olympia Hall de Londres, Daniel Cordier figure parmi les premiers engagés des Forces françaises libres (FFL), avec une obsession : tuer des Allemands, dont l’inassouvissement sera le regret de sa vie… Le 6, le général de Gaulle vient les haranguer sur ces mots déconcertants : « Je ne vous remercie pas d’être venus, après tout vous ne faites que votre devoir ! »
Une formation au camp FFL de Camberley fait de Daniel Cordier un jeune officier du bataillon des Chasseurs – qui donnera 31 compagnons de la Libération. Aspirant, frustré de ne pas être envoyé au combat, il est orienté vers la section « Action » du 2 e bureau de la France Libre, le BCRA (Bureau Central de Renseignement et d’Action). Après une formation de radio, de saboteur et de parachutiste, le lieutenant Cordier (« Bip W ») saute le 26 juillet 1942 au-dessus de l’Allier. Sa mission est de servir à Lyon de secrétaire et radio au journaliste démocrate-chrétien Georges Bidault (« Bip »). Mais dès leur première entrevue, Jean Moulin (alias Max ou Rex), délégué général de la France Libre, le prend à son service personnel.
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