L’idée de construire un grand barrage dit de la « Renaissance » émerge dans le narratif officiel de l’Éthiopie dès le début des années 2000. Il s’agit d’un projet majeur qui se positionne comme le futur plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique, avec sa puissance prévisionnelle de 6 450 MW. L’annonce, le 31 mars 2011, du lancement des travaux a ravivé les tensions avec l’Égypte, ce qui a souvent placé le Soudan dans une position arbitrale. La première pierre de ce projet pharaonique a été posée en avril 2011 et sa livraison était projetée pour 2022.
Le grand barrage de la Renaissance entre thalassocratie et polémologie (T 1235)
Carte du Nil et des principaux barrages (© RDN)
The idea of building a large so-called "Renaissance" dam emerged in Ethiopia's official narrative as early as the early 2000s. It is a major project that positions itself as the future largest hydroelectric dam in Africa, with its forecast power of 6,450 MW. The announcement, on March 31, 2011, of the start of the works reignited tensions with Egypt, which often placed Sudan in an arbitral position. The first stone of this pharaonic project was laid in April 2011 and its delivery was planned for 2022.
L’idée de construire un grand barrage dit de la « Renaissance » émerge dans le narratif officiel de l’Éthiopie dès le début des années 2000. Il s’agit d’un projet majeur qui se positionne comme le futur plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique, avec sa puissance prévisionnelle de 6 450 MW. L’annonce, le 31 mars 2011, du lancement des travaux a ravivé les tensions avec l’Égypte, ce qui a souvent placé le Soudan dans une position arbitrale. La première pierre de ce projet pharaonique a été posée en avril 2011 et sa livraison était projetée pour 2022. Les trois États sont, depuis cinq ans, engagés dans des négociations aux résultats mitigés. Le point d’achoppement concerne le remplissage des eaux et les règles de fonctionnement dudit barrage. Après avoir annoncé vers la fin juillet 2020 le début du remplissage en dehors de la conclusion de tout accord, l’Éthiopie a concentré les rivalités géopolitiques autour de l’eau entre trois États. Le potentiel polémogène de ce barrage commande d’analyser le jeu des différents acteurs directs, le sens des interventions internationales, et les périls sécuritaires que ce « grand jeu » pourrait engendrer dans la projection « thalassocratique » de ces États et leurs alliés. Le concept de « thalassocratie » ici, sans faire strictement écho à son ontologie maritime au sens originel grec, rendra notamment compte de la projection de trois États à partir du Nil, deuxième plus grand fleuve international au monde après l’Amazone.
Nationalisme hydrique et diplomatie du « fait accompli » de l’Éthiopie
Le droit international fluvial établit le principe de coopération et de concertation entre les États dans le cas de l’aménagement des fleuves internationaux. Sur cette base, le Nil qui traverse plusieurs États, entre autres l’Éthiopie en amont, point d’origine du Nil bleu, et l’Égypte et le Soudan en aval, peut-il faire l’objet d’appropriation unilatérale ? La jurisprudence internationale en l’affaire du lac Lanoux entre la France et l’Espagne, à travers la sentence du 16 novembre 1957 (1), énonce deux principes qui semblent nourrir des interprétations divergentes des différents États du bassin du Nil :
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